Le ciel étoilé se révélait à nous, plus brillant que jamais car éloigné de la pollution lumineuse des villes. Nous nous allongeâmes l'un à côté de l'autre sur le toit peu pentu, en regardant les astres se séparer en des dizaines de constellations. Nous essayions d'en reconnaître le plus possible, discipline en laquelle Matt excellait, puisqu'il voulait devenir atrologue. Autour de nous, nous pouvions entendre le vent sifller dans la cime des arbres, faisant chanter les branches et parfois même les chouettes qui s'y perchaient. Une fois que Matt m'eut expliqué l'origine de Centurion, de Cassioppée, et de tant d'autres, et raconté l'histoire de la grande ours, Nous nous mîmes à parler de choses et d'autres, en abordant des sujets peut être plus profonds, plus réfléchis que d'habitude. Au bout de quelques minutes, j'osai enfin lui faire part d'une idée qui me traversait l'esprit depuis un petit moment.
"Je crois que la beauté des choses se trouve dans leurs détails.
-Fais gaffe, tu deviens romantique !" Je pouffais de rire, rejoint par mon ami. Voulant lui prouver que mon idée avait du sens, et qu'il ne s'agissait pas que du fruit d'une heure tardive, je continuai :
"Mais c'est vrai ! Regarde. Imagine qu'on est dans un livre.
-Ouais.
-Tu es le personnage principal, et moi le lecteur.
-Ouais.
-Si l'auteur te décrit en disant "C'était un garçon, il s'appellait Matthew", moi je vais pas m'intéresser à toi !" Il rit. Heureux de le faire réagir, et poussé par je ne sais quelle motivation, je poursuivis :
"Alors que si il parle des détails, en décrivant tes cheveux bouclés bleu électrique, tes dents du bonheur qui rendent ton sourire si spécial, tes yeux bruns fatigués, et ton putain de caractère hyper cool,-" Encore un éclat de rire de la part de Matt me forca à finir ma phrase sans réfléchir :
"Alors là, le lecteur il va t'aimer." Son rire s'assoupit doucement, mais un énorme sourire lui resta au visage. Il tourna la tête vers moi.
"Est ce que tu es en train de me dire que je suis beau ?" Je ris, mi gêné mi heureux, et répondis :
"Je crois ?" Il eut à son tour un petit rire, et continua.
"Et que... Tu m'aimes ?" Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire, et Matt aussi. Je n'avais aucune idée de ce que j'étais vraiment en train de lui dire, les mots me venaient sans réflexion. En ce moment là, j'étais moi même, et ça me faisait un bien fou. Je tournais à mon tour la tête vers lui.
"Je crois ?" Nous fûmes pris d'un fou rire, qui prit quelques minutes à s'étouffer. Les yeux humides de larmes et le ventre fatigué d'avoir autant ri, Matt se tourna complètement vers moi. Toujours un peu hilare, il dit :
"Attends. Qu'est ce qu'il se passe là ?
-J'en ai aucune idée !
-Tu viens de me dire que tu m'aimais ou je rêve ?
-Mais j'en ai aucune idée !" Nous gloussions comme des fous, sans pouvoir nous arrêter. Mes aveux spontanés me faisaient tellement de bien que rire semblait être la seule réponse appropriée à un tel moment d'honnêteté. Je me tournais vers Matt à mon tour. Il posa ses yeux dans les miens.
"Charlie, je crois que je t'aime aussi."
Nos doigts s'entremêlèrent, et nous ne nous quittions plus du regard. Après quelques secondes passées à rester comme ça, immobiles, Matt s'avança vers moi. Nos visages se frôlèrent, nos nez s'entrechoquant alors que ses lèvres s'approchaient des miennes. Elles n'eurent pas le temps de se toucher, car nous fûmes pris encore une fois d'un éclat de rire. Je ne m'étais jamais senti aussi bien avec quelqu'un d'autre : nous avions, en seulement une semaine et demie, tissé entre nos âmes un lien qui semblait pouvoir durer toute une vie. Il m'apportait du réconfort, comme ma mère le faisait autrefois, mais aussi une sorte de paix intérieure que je n'avais jamais senti auparavant. Voulant terminer ce que Matt avait commencé, je m'approchais doucement de lui, et déposai un baiser simple, modeste, et quelque peu pudique sur ses lèvres fendues d'un sourire. J'appuyais ma tête contre son épaule, m'assoupis, et nous restâmes allongés ainsi pendant une petite éternité. Je voulais que ce moment dure des siècles, que nous fassions pleinement partie du bâtiment, que tous ceux qui viendraient fouler le sol de ce lieu de malheur sentent l'âme des deux amoureux de Jules Ferry, encore endormis sur le toit du manoir.

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Charles Dumet
Teen Fiction"Je crois que la beauté des choses se trouve dans leurs détails. -Fais gaffe, tu deviens romantique" C'est l'histoire de deux garçons, dont la compagnie l'un de l'autre leur permet de survivre dans l'internat de l'institut pour jeunes garçons Jules...