PARTIE I

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La chaleur était encore éprouvante en ce jour-ci. L'or du soleil animait les devantures grisonnantes des vieilles bâtisses sans vie. Les grands boulevards arborés de la ville s'abreuvaient de ces rayons infernaux comme s'il pleuvait un nectar de joie et de velours. Tandis que les troncs des chênes, des bouleaux et autres platanes vermeils voyaient leur sève perler, leurs feuilles verdoyantes, elles, paressaient. L'air estival demeurait trop suffoquant, d'une moiteur tout à fait exceptionnelle pour la saison. Aucun ramage ne pouvait résister à la longue frénésie effrénée de l'astre doré. Alors les branches achevaient de s'assoupir, sous les embrassades d'un alizé plus asséché qu'une bourrasque amblante sur les dunes sableuses du désert.

Ainsi, les frondaisons reflétaient une couleur hâlée par les rayons de l'étoile méridienne, cette tempête impétueuse de fièvre et de silence. Soudain, les aiguilles des conifères brisèrent l'inertie, les pétales épineux des sapins se mirent à trembler, puis tour à tour, ils bâillèrent à l'azur du ciel. Toute forme de vie à la cime plus ou moins arborescente suivit, et les panaches ternes n'étaient à présent qu'un mirage, une ombre abstraite d'elles-mêmes. Les rameaux les plus résistants lâchèrent un dernier soupir, puis le temps d'un frisson s'endormirent sous l'obscurité de l'existence. En somme, les lambeaux de forêt couvrant les allées passantes de la cité végétaient plus qu'ils n'étaient végétaux, ils devenaient flambeaux de l'été et de l'éternité.

L'incommensurable saule non loin du lycée s'était également adonné à ce ballet d'absinthe. Planté au milieu d'une large charmille aussi essoufflée que la brise, il contemplait tous les jours les mêmes nuées d'élèves arriver le matin et parcourir le sentier aux méandres tourmentés, établi tout près de ses racines. Ensuite, les brouillards convergeaient vers l'établissement dressé là, comme par enchantement au milieu des champs. C'était une plante pleine de majesté au cœur d'une âcre ronceraie, composée de buis endoloris que l'être humain n'avait pas su apprivoiser.

Pendant une bonne partie de la journée, la brume se liquéfiait dans les bâtiments, puis lors de grands coups de gongs, orchestrés comme l'hiver et le printemps, elle abandonnait une partie de sa contenance, avec un rythme aussi régulier que la bruine des jours d'automne. Ce manège se répétait plusieurs fois non sans éreintement, mais toujours d'une étonnante constance et d'une fortuite intensité. Enfin, une dernière sonnerie retentissait et clôturait l'aubade enténébrée.

Toutes les gouttelettes d'eau avaient voleté, les voiles épris de liberté revenaient sous le vent. L'arbre vénérable regardait ces tissus effilés courir en contrebas vers l'horizon, ces filaments vertueux qui reviendraient le lendemain autant chargés d'humidité pour se déverser de leurs nuances grisâtres. Ces va-et-vient l'ébahissaient autant qu'ils le subjuguaient, alors le baliveau aux feuillages larmoyants se plaisait à les admirer, le regard empli de bienveillance.        

Les éclats d'AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant