PARTIE XVII

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Des centaines de bosquets brillaient comme des diamants et nacraient des champs sans abîme. Ils éblouissaient le monde entier, plantés parmi les fleurs d'ébène qui ondulaient au gré des courbes de l'empyrée. Leur éclat amenuisait l'obscurité scintillante de la nuit et ornait les ténèbres d'une ivraie de velours. Et ils chantonnaient en cœur, ces filaments opalins, tel l'orge dans le vent chaud d'été. La fanfare stellaire fredonnait au petit matin, sans doute aux astres ensommeillés, mais surtout à la belle Aurore qui gisait paisiblement dans les cieux, à moitié baignée dans une mer de nuages. La chorale étoilée donnait de la voix par-delà l'éther, et la jeune femme en fut tirée de son sommeil. Bien plus étincelante que la plus ample des constellations, c'était une nuée de l'univers qui rallumait son flambeau de safran.

Elle s'affranchit délicatement des bras chaleureux de la nuit et contempla l'éden. La floraison angélique avait encore changé d'éclat, mais de la voûte sidérale lui parvenaient toujours autant les charmes cosmiques de la voie lactée. La roseraie aux reflets céruléens s'était clairsemée d'herbes éburnéennes et d'abondants pétales saphirins avaient marbré le turquoise déclinant. La clarté de l'azur s'était émaillée des premiers soupirs du crépuscule. L'élysée se parait désormais d'une magnifique robe d'aniline, son étoffe ondulait en harmonie avec le souffle algide des alpages séraphiques. Le vent se levait, troublait les abysses ténébreuses de la nuit comme les pensées d'Aurore s'agitaient.

La jeune femme jaugea les teintes célestes. Le petit matin découvrait les premières blancheurs de l'aube et mignardait l'olympe nocturne. Les perles d'ivoire de cette douce pénombre commençaient à décroître vers la candeur de l'occident, alors que d'autres berlingots de lumière chassaient de l'orient les vastes splendeurs de la sorgue. Aurore appréciait ce tableau de couleurs et de lueurs, mais elle éprouvait également les pulsations de son cœur, les crépitements de ses flammes qui s'attisaient en elle. Le jour paraissait au levant, bientôt le ciel baignerait de lumière. Tantôt, sa chevelure écumerait les timides bariolages célestes comme l'oriflamme des prairies en fleurs. Tout son éclat, tous les reflets ardents de la belle nymphe illumineraient l'éther de nervures orangées pour peindre l'orée d'un jour nouveau. Elle verrait les traits somptueux de la lune s'effacer à l'horizon pour n'apercevoir qu'une ébauche de la silhouette solaire. Elle demeurerait seule, à flamboyer dans le ciel, elle serait l'aurore, le plus astral des météores, la plus nébuleuse des étoiles.

Soudain, elle sentit son cœur s'affoler, son âme défaillir, elle crut s'étouffer de ses propres respirations. La lueur de ses sentiments n'avait cessé de s'aviver, son amour martelait toujours le nom de ses deux amantes. L'adoration de leur éclat, l'amour de leur âme, l'envie de leur corps, le désir d'un seul de leurs baisers de velours... La lune et le soleil avaient eu raison de son cœur, et sa passion avait enflammé la totalité de son être. Sa peau se calcinait sous l'absence de leurs étreintes, son âme brûlait sans l'océan ambré, ses songes hurlaient la douceur des pétales lunaires.

Les éclats d'AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant