PARTIE II

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Tout à coup, une venue se démarqua de la norme. L'attention de l'arbre aux feuilles dorées par l'ardeur de la journée se porta sur une belle inconnue étendue sur le gazon ambré, l'échine paisible contre son tronc. Les heures passaient et la lycéenne ne partait pas. Il semblait même qu'elle somnolât au creux de la grandeur du saule. Pourtant, l'air accablant du jour cédait peu à peu à l'aquilon du crépuscule. En ce soir de septembre, la brise se forcirait rapidement, la sorgue serait fraîche. Pourquoi n'avait-elle pas suivi ses camarades ? Disposait-elle au moins d'un domicile, d'un morceau de toit, d'un coin chaud près du feu ? Pour quelle raison diable ne s'abritait-elle pas mieux que sous un ramage clairsemé de fleurs angéliques ? Cette fille, ce n'était pas un nuage comme les autres.

Le végétal contempla la tendresse de son visage. De longs cheveux roux étaient baignés d'un océan de lumière. Ils ondulaient telles des vagues sur une mer agitée, puis déferlaient calmement le long du dos de la jeune femme. Des taches de rousseur ornaient ses pommettes et l'abîme de ses joues peu fournies, contrastant avec sa carnation plutôt claire et sa peau fragile. Deux lèvres pincées finement dessinées frémissaient avec volupté sous un nez gracieux. Un menton ferme mais harmonieux surplombait un cou aux courbes délicates, qui lui-même couronnait un corps charmant, étourdi de langueur.

La bise vespérale n'allait pas tarder à s'engouffrer entre les taillis, encore enchevêtrés du souffle chaud du soleil. Le saule craignait que l'adolescente ne tremblât sous les parfums glacés du soir, il couvrit donc ses vêtements de son étoffe sylvestre, en barrage au comportement parfois tempétueux de la lune. La nymphe eut un mouvement de surprise, puis laissa paraître deux amples iris verts. Que ses yeux étaient magnifiques... Les nuances jade de son regard renvoyaient l'émeraude de la forêt et resplendissaient aussi bien dans la clarté du jour que dans l'obscurité de la nuit. La dormeuse du saule étoupa ses yeux fatigués, et ses cils arqués vinrent caresser à nouveau ses lourdes paupières.

En vérité, le résident feuillu de l'allée l'avait reconnue. Elle, son regard... Il était reconnaissable entre mille, tant sa beauté illuminait les étoiles. C'était une élève studieuse, au tempérament calme et solitaire, qui répondait au joli nom d'Aurore. Une demoiselle dotée d'une incroyable sensibilité, si bien qu'elle savait écouter les chagrins de la nature et surtout, qu'elle avait les mots pour la réconforter. C'était un ouragan de douceur, Aurore... D'un caractère introverti, ses journées étaient vouées à la rêverie. On disait qu'elle avait la tête dans les nuages. Elle songeait aux plantes, à l'océan, à la galerne, aux flammes. Mais plus particulièrement, l'enfant des nuées s'intéressait au ciel. Mieux que lui consacrer une part de ses délicieuses pensées, elle l'idolâtrait. Elle adorait son éclat infini. Elle, qui se sentait pousser des ailes pour étreindre l'espace dans ses bras. Elle était sublime, Aurore...                       

Les éclats d'AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant