Aurore puisa un peu de lumière au cerisier, puis continua son chemin vers l'inconnu. Ses jambes fendaient les ténèbres comme les feuilles vermeilles folâtraient avec la brise de septembre. Ses pieds se levaient puis mordaient le bitume humide avec une assurance inédite. Ses gestes paraissaient tellement réfléchis que la jeune femme semblait connaître sa destination. En réalité, les membres de son corps répondaient aux méandres de son âme, qui eux-mêmes étaient envoûtés par une sorte de force surnaturelle. Alors elle marchait, sous l'ombrée des conifères, à la lueur des chaumières, elle s'aventurait toujours plus loin dans l'univers.
Après plusieurs dizaines de minutes de marche, elle s'arrêta face à une rivière, son périple était terminé. Aurore s'appuya contre une palissade en bois et soupira aux nuages. Elle n'avait aucune idée de la façon dont elle s'était retrouvée ici, les éléments avaient défilé si vite qu'elle avait sillonné cet océan de couleurs en un rien de temps. D'un pas lent et intimidé, la jeune femme s'avança vers la berge avant de descendre plus près des flots alités. Elle s'éploya dans l'herbe au-dessus de l'abîme et glissa ses mains derrière sa chevelure rousse. Elle se laissa emporter par le courant de ses songes.
Aurore contempla la toile qui s'offrait à elle. L'émeraude des aulnes se parait de sa plus belle robe de nuit et brillait dans l'ébène. Çà et là, des girandoles de chênes pleuraient le soleil évanoui au loin dans la vallée. L'écume opaline du cours d'eau caressait l'écrin des feuilles, et les végétaux étincelaient de perles et de rires. Devant elle, se dressait avec fierté un bosquet scintillant d'allégresse sur son île aux alluvions dorées. Le tout brûlait de tendresse et souriait au ciel, comme un immense feu de joie embrasant le borée.
Bientôt, l'aquilon naquit au levant et vint câliner les rives ensommeillées. La brise embrassa la rousseur d'Aurore et colora ses joues délicates des mêmes tons. L'air s'était considérablement rafraîchi et engourdissait une bonne partie de ses membres. Ainsi, la nymphe grimpa un petit talus et reparut sur les pavés du chemin de halage. Le vent se tut un instant, et Aurore tendit son oreille pour mieux entendre les mélodies de la nuit. D'infimes crépitements dans les bouquets d'ivraie, les voix frêles des platanes aux reflets chartreuse, les rumeurs des rivages en fleur, et cette rivière qui hurlait de silence, chantait encore à l'empyrée nébuleux. Le soir n'avait guère été si lumineux, et le silence jamais autant bruyant. Les flots, mais aussi les baliveaux, les ramages, les tiges de rose et avec elles les pétales de nuit, tout n'était que mer en furie.
Aurore plongea son regard dans les vagues étoilées ou dans le ciel aux flots d'ivoire, elle ne savait plus trop, tant elle avait perdu tout repère au cœur de cet ouragan d'éléments. La bise avait chassé les nuages et séduit la belle brune. La neige stellaire avait goûté à sa liberté rendue, enlaçant l'écume des eaux limpides de ses flocons angéliques. La houle s'enroula de plus en plus vite, les lueurs comme les couleurs tournoyaient comme une trombe cosmique. Aurore sentit son cœur s'emballer à l'image des ondes autour de son être, et le galion qu'elle était chavira hors de ce monde.
« Mon âme n'était que mer en furie. »
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Les éclats d'Aurore
Short StoryNouvelle poétique - 20 parties "Elle était sublime, Aurore..." Aurore est une jeune femme radieuse, une fille de lumière. Au fil de ses rêveries, elle s'éprend de la beauté du ciel. Étendue dans l'herbe en pleine nuit, Aurore trouve le sommeil, puis...