PARTIE IV

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Puis son visage se bariola subitement, d'abord de touches incarnadines qui rapidement se brasillèrent de rouge vif. Sa pâleur avait disparu, le firmament de son corps avait nourri les pigments de sa peau, les flammes en son esprit s'étaient propagées hors de l'enveloppe de sa conscience. Tandis que sa figure écarlate bouillait de fantasmes et d'imaginations, ses paupières furent prises de sybarites clignements, comme baignées dans la plus agréable des conceptions.

Ses ailes commencèrent bientôt à trembler, emprises des brandons fougueux qui calcinaient chacune de ses veines. D'une nature si maladroite pour s'exprimer corporellement, voilà maintenant que ses doigts gesticulaient avec volupté près de l'herbe ravie ! Aurore paressait chanceler au cœur d'un autre monde, ce qui curieusement la faisait ardemment frémir. C'était dorénavant l'intégralité de ses membres qui grelottaient de chaud, saisis d'une ferveur auparavant inéprouvée. Comme si l'étoffe de ses pensées l'avait envahie, comme si la passion avait eu raison d'elle. Le désir crépitait dans tout son être, Aurore était sous un ascendant aussi incontrôlable qu'exalté. Tout à coup, sa main gauche empoigna une touffe d'ivraie et son corps tout entier tressaillit de plaisir au cœur des nues angéliques.

Un ultime et ravissant soupir s'évanouit lentement de sa bouche embrasée, puis sa respiration suivit les doux ébrouements du vent. Son dos épousa la terre avec la légèreté d'une plume, ses jambes s'éployèrent langoureusement dans le gazon. De nouveau, son souffle s'avérait plus harmonieux et semblait embrasser de plus calmes rivages, quand soudain, Aurore se réveilla en sursaut. Ses yeux se portèrent immédiatement vers l'élysée. Le soleil brillait déjà d'un bel éclat, comme un écueil étincelant de la voûte céleste. Les heures noyées de pénombre, les gouttes d'ébène laissées au soleil nocturne étaient bel et bien révolues. La jeune femme couvrit son front fiévreux de sa paume, puis arpenta ses cheveux en bataille. Ses vêtements perlaient de sueur, elle laissa échapper une ou deux lamentations en marmonnant. Elle devait se présenter en classe dans moins d'une demi-heure.

Pour l'instant, la lycéenne essayait de comprendre. Pour elle... Enfin il lui paressait, avoir été déposée à terre peu avant de s'éveiller. Pourtant, elle était sûre d'avoir eu été assoupie sous les branches rassurantes du saule, et de ne jamais les avoir eu quittées. Elle ne se souvenait de rien, si ce n'était d'avoir dormi en ce lieu. Cependant, elle était persuadée que son sommeil avait été troublé, qu'elle, ou du moins son esprit avait divagué ailleurs, bien plus loin. Quel était ce quelque chose ? Ce quelqu'un ? Où était-elle à l'orée du jour, quand l'astre doré illuminait les roses de ses premiers rayons ? En attendant, elle devait se résigner à se rafraîchir, et à suivre tant bien que mal ses camarades en cours. C'était dur d'avoir les pieds sur terre quand on pensait constamment au ciel.

Les éclats d'AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant