2. À ma destinée, (2)

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Depuis mon arrivée ici en août d'il y'a trois ans, je fus encore plus désagréablement surprise d'apprendre que les automnes étaient fâcheusement longs à Treasure Falls, aussi bien que l'été n'y durait qu'un mois.

Même si j'avais fini par m'y habituer à mes dépens, au début, ce fait ne semblait évidemment déranger que ma petite personne. Car, je me souvins, qu'après une enième crise de nerfs de ma part à ce sujet, ma mère ne s'était contentée que de me répondre cruellement :

— Oh chérie, tu sais, ça ne change pas énormément de choses. Pas besoin qu'il fasse chaud, il n'y a même pas de plage, ici. Ni de piscine.

Naturellement, vu qu'on vivait en Nord-ouest d'Amérique, dans ses zones les plus reculées. Là où l'on ne trouvait que des villes paumées, aussi grandes que mon ancien quartier à Miami.

J'avais bien évidemment pété un câble après sa réflexion, mais passons. Je l'avais détestée pour cela, pour tout ce que cette immersion massive dans l'atmosphère morne et piteuse de Treasure Falls avait suscité comme changement dans ma personnalité. Même si, au fond, mon amertume était plus ambiguë. De toute manière, j'avais depuis un bon moment déjà cessé de penser à autre chose qu'à moi-même.

Tandis que je filais entre les végétations imposantes, je me promis de ne jamais m'attarder sur ce que mon départ prochain susciterait en mon entourage. Quelle que soit la nature de ce départ.

Au bout d'un certain moment, et sans trop y penser, je me rendis soudain compte que j'entrais dans une sorte de bout de terre défrichée. Au milieu de trouvait une espèce de clairière à l'eau trouble. Se pouvait-il que ce soit le Mystic Lake ?

Je fis deux pas vers l'étendue. L'endroit était réellement dénué de toute présence végétale, malgré les gigantesques arbres surplombant le ciel orageux. Ces dernières s'étendaient au dessus, enfermant l'endroit dans un étau austère, tel un immense igloo vert. C'était à la fois glauque et grisant d'être ici, comme un sentiment d'excitation et de mal-être le disputaient en moi.

Le fluide velouteux des eaux du lac était vraiment très opaque, si bien que je n'y voyais aucun reflet. Pas même le mien, notais-je en m'accroupissant à son bord. Juste... des nuances super glauques. Tantôt j'y voyais du bleu terne, puis du rose... et encore du vert, ce qui me fascina, à mesure que j'observais avec attention ces vagues se mouvoir d'une façon hypnotique. Et si cela n'était que le fruit de mon imagination ?

Mince, je n'avais même pas mon téléphone pour m'en assurer. J'étais vraiment une poisse.

Je continuai donc à observer ce phénomène, me demandant quelle consistance avait l'eau. J'avais vraiment très envie de le savoir. Ça me démangeait. Était-elle aussi flasque qu'elle n'y paraissait ? Ou bien était-ce là qu'une illusion ? Une hallucination ?

J'hésitais.

— Oh et puis merde, abdiquais-je en avançant l'index vers fluide, m'attendant à la sensation renversante que son aspect curieux promettait.

Mais, en cet instant précis, la seule chose qui fut renversée, c'est bien moi. Oui, oui.

Dans un timing absolument parfait, une soudaine bourrasque tiède s'abattit sur l'endroit, me propulsant assez violemment en arrière. Je m'étalai telle une jolie crotte de mouette sur la terre humide, horrifiée.

Allongée, je me rendis compte qu'au delà de l'étau des arbres s'agitant dans le vent soudain, le ciel s'était nettement plus obscurci que tout à l'heure.

L'Univers & MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant