— Bien le bonjour, s'exclama la nana la plus perchée que je pus connaître en l'instant précis où quartes yeux métèques saisissants se levèrent vers nous.
Ou plutôt, vers elle. Même en étant incroyablement révulsée d'être amenée de force en cette situation plus débile qu'autre chose, je ne pus que plaindre mon amie maintenant. De sa bêtise, elle allait se coltiner l'explication gênante et probablement laborieuse qu'elle ne tardera pas à fournir aux deux mâles imposants qui la scrutaient tel un putain d'ovni de Saturne.
Ah oui, ajoutais-je à cela la multitude d'yeux avides de ragots qui se retournaient les uns après les autres dans plusieurs tables du réfectoire, en un mouvement synchronisé hilarant; Un peu comme une chaîne de dominos, sauf qu'à la place il y avait des têtes d'imbéciles coites.
Mais la situation était tout sauf drôle, en ce moment ci. Et oui, debout et droite comme un piquet, les doigts entortillés et humides, le souffle court et les joues incandescentes, je sentis mon cœur frileux ricocher violemment contre ses parois exiguës. Cette réaction épique ne me subjugua que très peu, ne m'énerva que trop. Mon anxiété sociale reflua en montée de lave, elle s'époumonait à me persuader que tout cela était absurde. Et je ne pouvais nier l'évidence.
Mona, elle, ne semblait pourtant pas le moins du monde déroutée par l'oeillade réprobatrice que lui servait les deux inconnus.
Leur aspect était des moins anodin. Leur beauté était un contraste total avec ce que j'avais pu voir en cette ville. Mais ils ne se ressemblaient pas. Alors là, pas le moins du monde.
Celui de droite en face, que j'ai à peine pu apercevoir de ma table, était un brun bien, bien battu. Il avait des traits prononcés, des sourcils épais et un regard profond. Je le scrutai longuement, sans retenue. Un long nez qui harmonisait avec son visage, des lèvres retroussées. Des grains de beauté ponctuant ici et là sa peau basanée. J'analysai religieusement chaque trait de son visage, un peu bêtement. Je m'en fichais tout de même, je n'allais quand même pas l'épouser, ni même lui parler, d'ailleurs. Mona menait parfaitement la discussion, à mon grand étonnement, mais celle-ci me semblait si lointaine, je n'avais juste pas envie d'être ici.
— Long Island, fit-la voix du brun. On vient de Long Island. Cool, non ?
— Carrément ! s'extasia mon amie. Rah, ça me passionne, tout ça. Voyez-vous, j'aime écouter la vie des gens, surtout les nouveaux, c'est si rare, bordel ! rit-elle avec le brun, tandis que l'autre restait hors de portée de mon champ de vision, dos à moi. Et donc, qu'est-ce qui vous amène ici, jeunes hommes ?
Jeunes hommes. Je me retins de lever les yeux au ciel. Mona déblatérait sans réfléchir, débitant toutes sortes de conneries, saupoudrées de quelques questions indiscrètes. Le problème n'était pas juste qu'elle était très peu subtile, c'était qu'elle ne s'en rendait même pas compte elle même.
— Toutes sortes de circonstances, je suppose, prononça pour la première fois la voix du mec retourné, grave et qui retint l'attention, moi comprise.
— Un bon gros merdier, ouais, affirma l'autre, la mine pensive.
Celui-ci biaisa le retourné d'un regard bref, puis se retrouva vers Mona. Elle rit joyeusement, dans un naturel qui me déconcerta. Un peu comme si elle avait compris le sens corsé de leurs mots-clés, comme si elle saisit le sens de l'univers entier. Comment faisait-elle pour mimer une expression aussi convaincante ? J'en étais incapable, captive de ma moue renfrognée.
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L'Univers & Moi
Paranormal« La peur tue l'esprit, La peur amène la petite mort de l'être, Et comme tout petit, Elle est méprisable. Ta première victoire doit être contre ta peur, Dairina. » La mort ailleurs, ou la mort avant la trentaine. C'est ce que Daire, grande insatis...