Chapitre 8

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- Jude - 


— Alors ? Ça y est ? T'as enfin eu ta pipe ?

Je relève la tête pour croiser le regard de Win qui sautille sur place, avide de potins, comme toujours.

— Bonjour à toi aussi, madame la commère.

Il me pousse d'un coup de hanche pour venir s'installer à côté de moi.

— Ne fais pas ton radin. Raconte ! Avery m'a dit qu'il t'avait vu te barrer avec un mec.

Bordel. Et moi qui le pensais trop occupé pour vérifier mes allées et venues. Il a veillé au grain finalement, peut-être pour s'assurer que je n'étais pas venu pour rien. Enfoiré.

Je soupire et secoue la tête. Hors de question que je balance des infos. Ce que j'ai vécu hier, je compte le garder pour moi. C'est quelque chose de trop intime pour être partagé. De trop gênant, aussi, même si Win n'a absolument aucun tabou concernant le sexe (et tout le reste).

Il me scrute, yeux plissés, attendant que je crache ma valda. Voyant que je continue de me taire, il se penche vers moi et son souffle chatouille mon oreille.

— Je t'avais dit que ce serait dément. Mais je comprends. Tu me remercieras plus tard.

Puis il me tapote l'épaule en ricanant avant de se relever pour rejoindre notre groupe de potes. De mon côté, je me contente de rester assis, seul, à l'écart. Je me sens bizarre ce matin. Cette impression de vouloir demeurer dans ma bulle un peu plus longtemps. Ce sentiment que, si je me mêlais aux autres, ils verraient aussitôt que quelque a changé.

Calme-toi, Jude. Tu t'es juste fait sucer, pas la peine d'en faire un plat, putain!

Au même instant, comme si elle avait perçu mes pensées, Taylor débarque, rayonnante. Elle distribue des câlins et des sourires à tout le monde, et je la vois qui scrute la foule, sans doute à ma recherche. Lorsqu'elle m'aperçoit, son visage s'éclaire et je tente de ravaler la boule qui m'obstrue soudain la gorge.

Elle se précipite dans ma direction et je me lève pour la serrer dans mes bras. Mon nez chatouille ses cheveux et l'odeur de pomme verte emplit mes narines. Je prends une profonde inspiration, comme si cette odeur me permettait de revenir à la réalité, de m'ancrer de nouveau dans mon quotidien, dans la normalité de ma vie qui m'a totalement échappée la veille.

— Où t'étais passé hier ? J'ai essayé de te joindre genre mille fois !

— Désolé, je me suis endormi devant un film et j'ai émergé à l'heure où je t'ai répondu.

Je mens sans sourciller, sans même hésiter. Les mots sont sortis tous seuls, sans que j'aie besoin d'y réfléchir.

Elle m'observe d'un air dubitatif, comme si elle ne me croyait pas, mais je tais ses doutes d'un baiser enflammé. Ses lèvres caressent les miennes, elles ont un goût de fraise. Soudain, je me demande à quel point ce serait différent, d'embrasser un mec. Si les sensations resteraient les mêmes, si le plaisir serait similaire.
Bordel, mais à quoi tu penses? T'es complètement fêlé!

Nous sous séparons au son de la cloche qui annonce le début des cours, m'empêchant de me perdre autant que je le voudrais dans cette étreinte.

— Tu m'en veux ? je demande en posant mon front contre le sien et en jouant avec une mèche de cheveux.

Elle sourit et recule en secouant la tête. J'en profite pour afficher une mine de chien battu, celle qui me permet de sortir indemne de toutes mes conneries bien trop facilement.

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