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Ce soir ça allait être le réveillon, et cela semblait motiver un peu plus les clients de Paul. En effet, ce matin une grand-mère qui voulait acheter un cadeau à sa petite fille était passé ainsi que trois autres clients.
C'était la fin de l'après midi et nous allions bientôt fermer.
Je finissais de nettoyer le comptoir lorsqu'elle a fait déboulé dans la boutique dans un fracas.

- Je peux vous aidez ? Avais-je demandé sans même lever la tête.

- Euh... oui, je cherche un cadeau... à offrir à un ami.

- très bien.

J'ai alors levé la tête pour servir la maladroite cliente.

Ces pupilles brunes...

Je me suis appuyé sur le rebord pour éviter de vaciller.

- Je sais que je m'y prends assez tard mais j'y tiens vraiment. Je cherche un... comment ça s'appelle déjà ? Vous savez comme un violon mais en beaucoup plus grand ?

Tout ces mots ont jailli de sa bouche avec une vitesse décadente et un rythme chantonnant. Ses mains bougeaient dans tous les sens pour tenter d'illustrer ses propos.

Des marques lacéraient encore son corps mais elle était désormais encore plus vivante que la vie.

- Une contrebasse ?

- Oui c'est ça ! A t-elle glapi

Je suis resté là quelque seconde à l'examiner. Elle était si différente de la dernière fois où je l'avais vu. Elle était pleine d'énergie.

- Vous vous dites sûrement que c'est peut être excessif comme cadeau n'est ce pas ?

- Euh...non, pas du tout.

Elle a haussé les épaules

- C'est pour un ami... à qui je tiens.

Je me suis donc dirigé vers l'arrière boutique pour aller chercher Paul qui était bien plus expérimenté que moi en matière d'instruments à cordes.

- Votre visage... il me dit quelque chose, vous êtes du coin? Il me semble vous avoir déjà vu.

- Vous devez sans doute confondre. Ai-je dis en rangeant mes mains moites dans la poche de mon pantalon.

Encore une phénomène humain nouveau.

Ses sourcils se sont froncés comme si ma réponse ne la satisfait pas.

- Oui, je sais...à l'hôpital, c'est ça. Vous étiez à l'hôpital.

- Il doit s'agir d'une erreur.

Ma voix était de moins en moins convainquante.

- Pourtant je suis à peu prêt sûre.

- Je vais chercher mon supérieur . Ai-je dis en m'éclipsant dans l'atelier comme pour me réfugier.

Je suis revenu quelque minutes plus tard avec Paul a mes côtés, tel un bouclier.

Celui- ci lui a calmement expliqué qu'il n'était pas possible de récupérer l'instrument maintenant car nous n'en avions plus en stock.

Son visage s'est un peu décomposé, elle s'est dirigée vers la porte d'un pas traînant et Paul a rejoint son antre.

- Attendez. Ma voix avait été assez forte pour la retenir, mais assez faible pour que Paul ne m'entende pas

Elle s'est retournée, sans trop d'espoir.
Je savais que en faisant ce que je m'apprêtais à faire, je risquais beaucoup.

Mais je ne voulais tout simplement pas qu'elle disparaisse encore. Quand allais-je avoir l'occasion de la revoir ? Je voulais pouvoir la regarder quelques secondes de plus et par dessus tout lui rendre son sourire.

J'ai pensé au fond de moi que cette cause valait la peine de prendre le risque.

- Je...J'ai peut être quelque chose qui pourra faire l'affaire.

- Mais je pensais que... À t-elle commencé, incrédule.

- Je sais, mais il me semble que la personne à qui vous voulez offrir ce cadeau est vraiment spécial pour vous.

Ses lèvres ont trembloté et se sont étirées un peu.

J'étais sur le bon chemin.

- En effet. A-t'elle acquiescer solennellement.

Je me suis donc dirigé vers l'un des placards, d'où j'ai sorti l'instrument.
Il était neuf et avait été confectionné pour un client qui l'avait commandé pour la mi-janvier.

- Je ne veux pas vous causer de soucis. A-elle chuchoté les sourcils froncés. Visiblement tiraillée entre deux envies.

Trop tard, ai-je pensé

- Ce n'est rien

Il fallait que je trouve un moyen d'expliquer à Paul. Il risquait de ne pas trop être content. Qui sait? Je me retrouverais peut être sans emploi sous peu.

- Je ne sais pas comment vous remercier. Thom sera ravi.

Le large sourire qui s'étendait désormais d'un bout à l'autre de ses lèvres me suffisait amplement.

- Ce n'est rien, ai-je seulement répété.

Je savais qu'il n'était question que de quelques secondes avant qu'elle ne quitte la boutique, avant qu'elle ne disparaisse encore.
J'ai humé l'air, une dernière fois. l'air empreint de son parfum vanille.

Puis elle est sorti.

MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant