Charmé | Namjin |

Cyclamen : Manque de Confiance en Soi

La journée commençait tout juste. On avançait tranquillement vers l'hiver, alors le soleil ne se levait que très tard. Et Noël n'était plus très loin.

Jin regardait autour de lui furtivement, ce jour-là il était décidé à découvrir son amant secret, alors il était sur le qui-vive.

Il avait beau scruter la foule, le seul indice auquel il pouvait se raccrocher était l'écharpe marron aux grosses mailles que portait son châtain lorsqu'ils s'étaient rencontrés la première fois.

Et il en apercevait des écharpes. Il faisait de plus en plus froid alors pratiquement tout le monde en portait une, et soit elles étaient marrons, soit à grosse mailles, mais jamais les deux.

Jin se sentait déçu dès qu'il pensait l'avoir trouvé.

Son regard fut attiré par une écharpe couleur bois devant lui, exactement comme son châtain.

Le coeur battant à cent à l'heure, il détailla la silhouette en pressant le pas.

Des épaules dont la chute descendait sous un épais manteau gris, une démarche à grande enjambée, une chevelure foncée à demi cachée sous un joli bonnet noir.

Il se mit à courir, et il arrêta violemment la personne qu'il fixait.

<< Excusez-moi vous- >>

Un homme différent le fixait avec des yeux surpris. Il retira un écouteur et demanda au brun s'il pouvait l'aider.

Désappointé, Jin le laissa partir en s'excusant.

L'inconnu repartit comme si rien ne s'était passé, et Jin poussa un cri de frustration.

<< Mais quand est-ce que je vais enfin pouvoir le voir ?! >>

Il ferma les yeux, ignorant les passants qui le dévisageaient bizarrement.

La tristesse comprimait son coeur.

Il avait vraiment espéré encore une fois.

Il sentait ses sentiments grandir, et son désir de revoir son châtain aussi.

Ils ne s'étaient vu qu'une fois, pourtant ça avait été le coup de foudre pour Jin.

C'était devenu une sorte de drogue. 

Ne pas voir l'homme dont il rêvait tous les soirs en recevant un cadeau de lui presque tous les jours...

Pour Jin c'était clairement un calvaire. Il lui tardait d'enfin faire sa rencontre. 

[...]

Énervé, Jin était parti par la porte de derrière cette fois-ci. 

Il peinait à digérer la déception dont il avait été sujet le matin.

Il ignorait si c'était volontaire ou pas de la part du châtain de se cacher, mais il commençait à s'impatienter.

Arrivé en bas de son immeuble pourtant, il s'arrêta.

Peut-être que son amant avait ses raisons pour ne pas se dévoiler.

Aveuglé par sa déception, le vendeur n'avait même pas essayé de se mettre à la place de son correspondant.

Rongé par une soudaine culpabilité, il fit demi-tour.

Ses pas étaient d'abord pressés, puis il se mit à courir.

Une larme coula sur sa joue, qu'il effaça.

Je suis désolé.. Je suis désolé... 

Ces mots tournaient encore et toujours dans son esprit.

Essoufflé, il arriva devant sa vitrine, et soupira de soulagement en voyant un pot de petites cyclamen sur la marche de l'entrée.

Et comme si son amant avait lu dans ses pensées, il lui avait offert des fleurs dont la signification était le manque de confiance en soi.

La culture occidentale voyait dans le cyclamen un symbole de beauté et de jalousie, et cette plante était la fleur idéale que l'on offrait pour manifester sa jalousie, son fort attachement avec délicatesse. Dans le code amoureux, le cyclamen symbolisait la durée et la sincérité des sentiments, c'était un geste subtil et silencieux. Particulièrement lumineuse et agréable à regarder, cette fleur soulignait l'aspect sublime de la personne aimée.

L'Église catholique y voyait le symbole du cœur de Marie saignant sur la Terre, et cette symbolique a été reprise par les peintres flamands.

Quant au Japon, le cyclamen était la fleur sacrée de l'amour.

Jin se gifla mentalement.

C'était certainement la raison pour laquelle il n'osait pas se montrer.

Le brun priait pour que son correspondant ne l'ait pas vu quitter la boutique par derrière.

De plusieurs couleurs, la citation sur la couverture de la carte semblait donner vie à son sens :

La confiance en soi est une conquête permanente sur l'imprévisible de la vie, elle n'est pas acquise une fois pour toutes, mais elle doit se ressourcer, se reconstruire, se confirmer et s'embellir chaque jour, pour pouvoir faire face à la fois à la mouvance d'une existence et à l'irruption de l'inacceptable

Oh mon Dieu mon amour... tu dis tellement vrai...

Il posa sa main sur sa bouche afin d'étouffer un petit sanglot.

Je suis navré de ne pas pouvoir me révéler à vous pour le moment... Je ne suis pas encore prêt... Disons que j'ai peur que vous ne soyez déçu ou autre... Laissez moi un peu de temps s'il vous plaît... Je suis sincèrement navré de vous faire souffrir ainsi...

Et plus bas était ajouté d'une autre couleur :

Ne m'en voulez pas... Je vous en prie...

La gorge serrée, Jin serra la carte contre son coeur, et se laissa choir sur la marche. Il devinait aisément que ces deux dernières phrases avaient été rajoutées après son départ brusque de la boutique.

Le vendeur sentait une boule dans sa gorge, ainsi que dans son estomac. Elles lui pesaient.

Il se sentait coupable.

Toute trace d'énervement avait disparu.

Une lumière s'alluma soudain dans son esprit.

Avec une précipitation incroyable, il farfouilla dans ses poches afin de trouver les clés de la boutique.

Il couru dans l'arrière boutique afin d'attraper un bout de papier ainsi qu'un crayon.

Puis il revint tout aussi rapidement devant sa vitrine.

Se penchant sur la table pour écrire, il traça ses mots d'une main tremblante.

J'attendrai. Je vous attendrai le temps qu'il faudra.

Et il repartit avec son présent, laissant le papier tenu par un pot d'Amaryllis : la fleur de leur première rencontre.