Chapitre 18

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Les jours qui suivirent son évasion, Scyllia était restée discrète, arpentant les rues d'Eronne, capuche rabattue pour ne pas montrer son visage. Son seul coup notable avait été le cambriolage de sa propre chambre à l'académie pour récupérer des affaires plus confortables et moins voyantes que son armure démoniaque ou sa robe de mage. Elle avait d'ailleurs trouvé cela étrange qu'elle puisse réussir son coup aussi facilement alors qu'elle savait qu'aucun intrus ne pouvait pénétrer ainsi dans l'enceinte de l'académie d'Enzo. Celle-ci manquait cruellement de protections magiques.

Ces premiers jours n'avaient pas été faciles pour la prétendante. Son signalement avait été donné partout en ville et son portrait était placardé sur chaque planche assez grande pour pouvoir l'accueillir. En à peine une nuit, le grand inquisiteur avait fait d'elle l'ennemi public numéro un.

Le portrait était très ressemblant, cependant, la description ne reflétait pas ce qu'elle était vraiment, bien au contraire. D'après les avis de recherche, Scyllia était une démoniste possédée et sous le contrôle d'un démon. Elle maniait des dagues ou une épée noire, pouvait s'envelopper d'une fumée obscure et mortelle et était dotée d'un grand pouvoir de destruction. Elle avait soif de sang et n'hésitait pas à s'en prendre à quiconque se trouvait sur son chemin par simple plaisir. Ainsi, il était recommandé à tous ceux qui la croisait de fuir pour alerter la garde.

Excepté la description de ses facultés, tout le reste avait été inventé et relevaient bien plus du caractère de Shed que du sien. Chose que Scyllia trouva amusante vu que personne ici ne l'avait rencontré. Bien entendu, cela n'était pas venu à l'idée du directeur de parler de ses grandes facultés en magies blanches ni des raisons qui l'avaient poussée à le défier ainsi.

Le problème ici était que, contrairement à sa fuite de son village lorsque Shed venait de la posséder, les gardes de la ville étaient sur le qui-vive et il en était de même pour les habitants. Depuis que son avis de recherche avait été divulgué, ils regardaient de travers chaque fille de son âge, même si elles ne lui ressemblaient pas du tout.

Plusieurs fois, Scyllia avait dû s'enfuir parce que quelqu'un l'avait reconnue et hurlait qu'elle était ici, rameutant de ce fait toute une garnison. Heureusement pour elle, ils étaient faciles à semer grâce à ses téléportations en chaînes et son brouillard dans lequel ils n'osaient pas s'aventurer. En un sens, les mensonges du grand inquisiteur pour la faire paraître plus menaçante l'avaient aidée.

Au second jour, la prétendante trouva enfin un endroit où les gens n'étaient pas trop regardants. Le quartier le plus reculé de la ville-basse était sombre, humide et malfamé. Tout était réuni pour s'y cacher et trouver un refuge temporaire. Vu la couleur de l'âme de la plupart des personnes qui y résidait, elle en déduisit que les patrouilles ne devaient pas être très fréquentes ici.

Cet endroit allait lui donner un peu de temps avant qu'ils ne se décident à le fouiller ou bien qu'un prix ne s'ajoute sous son avis de recherche. En attendant, l'adolescente avait trouvé une auberge miteuse où passer ses nuits. Elle était certaine qu'aucune des personnes qui fréquentait ce trou à rat n'allait la dénoncer, tout simplement parce qu'ils se feraient sans doute arrêter eux-mêmes avant d'avoir pu ouvrir la bouche.

Scyllia se mit presque à remercier les dieux que de tels endroits avec de telles personnes existent en ce monde pour se cacher. En effet, son entrée dans cet établissement fait de planches dont la moitié était pourrie ne s'était pas vraiment fait en toute discrétion. Les clients ne devaient pas voir beaucoup de jeunes filles y entrer, et encore moins sans qu'elles n'y soient forcées.

Son arrivée avait donc attisé les pulsions des pervers qui l'avaient vite entourée pour lui demander si elle était perdue. Une nouvelle fois, et avec, exceptionnellement, un certain plaisir sadique, l'adolescente avait joué le rôle de la psychopathe qu'il ne fallait pas regarder de travers sous peine de se retrouver avec un couteau sous la gorge. Avec un rire dément, elle avait réglé le compte de ces animaux en quête de chair fraîche et jeté un regard glacial envers le reste des clients qui, prévenus, restèrent le regard vissé dans le fond de leur chope. Malgré ce comportement, elle savait qu'elle ne risquait rien ici.

Scyllia tome 3: EliarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant