Chapitre Un

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-Désolée, Alison, dis-je à regret. Je ne peux pas vous accompagner ce soir, je travaille.

Alison fait une moue déçue.

-Je ne comprends toujours pas comment tu as fait pour être engagée à quinze ans...

-J'ai eu de la chance, ai-je dit en rigolant. Il faut croire qu'ils n'ont pas peur de la jeunesse, chez Iba Coffee. 

-Le fait que tu sois bilingue a dû leur plaire aussi. Ah, voilà mon bus. Je te laisse, je t'enverrai un snap de la salle de cinéma! dit-elle en secouant la main.

-Oui, c'est ça! Allez file.

-A demain! 

Les jeudis.

C'est toujours agréable, les jeudis. Bon, hormis le fait qu'on a cours, les deux derniers jours avant le weekend sont toujours les meilleurs. Quand le week-end approche, on sent que l'atmosphère change. 

Je jette un œil à ma montre. Si je ne veux pas être en retard au travail, il vaut mieux que je me dépêche. Je débloque la pédale de mon vélo d'un coup de pied et je me mets en route. C'est pratique, quand tu habites, que tu étudies et que tu travailles au même endroit. La fraîcheur d'octobre me pousse à ramener ma veste sur ma poitrine.

J'arrive rapidement devant les portes de l'Iba Coffee. C'est une grande échoppe où on sert et où on vend du café. On est réputés dans tout Vancouver pour nos boissons, nos gâteaux et l'ambiance qui règne chez nous. Je travaille chez eux depuis la rentrée, et je me suis déjà bien intégrée, malgré ma jeunesse. L'autre jeune du café s'appelle Peter et il a dix-huit ans, soit trois ans de plus que moi. Mais bon, je m'accroche au fait que le seize novembre, j'aurais seize ans. C'est marrant, d'ailleurs. Seize et seize... Bref.

J'attrape mon uniforme dans mon sac à main et je file me changer. Le t-shirt blanc et le tablier brun vont bien ensemble. J'ai gardé mon jean noir. J'attache mes cheveux et met ma coiffe. Et c'est parti pour trois heures. 

Je quitte le café aux alentours de 21H30. J'ai travaillé comme une folle... C'est pile les heures de forte affluence. C'est devenu machinal, automatique, à force. Je répète les mêmes phrases, incessamment. "Bonjour, que puis-je faire pour vous?" "Du lait?" "Un sucre ou deux?" "Ce sera tout?" "Bonne fin de journée, et merci à vous!". Il arrive que je lâche quelques traces d'humour, mais je fais attention : il m'est déjà arrivé de le faire avec quelqu'un qui n'était pas d'humeur, et ça m'a attiré quelques soucis. 


Je fourre mon vélo dans le garage et je monte dans ma chambre, après une rapide salutation à ma mère. J'aurais bien salué mon père, mais comme d'habitude, il se fait remarquer par son absence.

Je ne le vois jamais. Il est toujours à l'étranger. Quand il rentre, il tente de rattraper le temps perdu en m'offrant cadeau sur cadeau. Je prends, parce que je vois que ça lui fait plaisir, qu'il s'imagine que je suis contente, moi aussi. Mais les trois quarts du temps, je les pose dans un coin, et si quelqu'un vient dans ma chambre et qu'un des cadeaux lui plaît, je le lui donne.

Je refuse catégoriquement qu'on me traite de gamine pourrie gâtée : je ne suis pas snob, je ne me sens pas supérieure, et je sais apprécier la véritable valeur des choses. Ma mère (grosso-modo la seule figure d'autorité de la maison) a bien veillé à ça en m'éduquant. 

Si on doit résumer ma vie, on peut dire que je ne vis pas dans le besoin, mais je sais me donner les moyens d'arriver à faire ce que je veux. Je veux devenir médecin, et je travaille pour ça, autant au lycée qu'à côté, pour pouvoir payer une partie de mes études. J'ai les capacités relationnelles d'un cactus (vous avez déjà vu un cactus en soirée? Non.), c'est d'ailleurs surprenant que je m'en sorte bien au café alors que je dois répéter cinq à six fois ce que je vais dire avant de commander une pizza. J'ai quelques amis, à qui je fais confiance, mais Alison m'appelle le porc-épic, parce que selon elle je suis froide avec ceux que je ne connais pas. Ma vie alterne entre vélo, boulot, dodo, et ça me va pas mal.

Moi, c'est Emma Teeler. J'ai 15 ans, et j'ai une vie super ordinaire.

Un sucre ou deux? [Finn Wolfhard FanFiction] REECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant