Un instant précieux

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Pdv Aidan

C'est un visage fermé qui m'accueille dans la chambre. Samuel arbore un air totalement inexpressif, et me scrute sans ciller. Un frisson me parcourt l'échine sous ses yeux froids en m'avançant d'un pas, me retrouvant au beau milieu de la pièce.

- Pas plus près, m'ordonne Sam.

Je me raidis de la tête aux pieds. Je ne l'avais encore jamais entendu employer avec moi un ton aussi détaché. J'ai la sensation de me prendre une gifle avec ces trois petits mots. Je prends une grande inspiration et me lance :

- Je crois qu'il faut qu'on parle.

Je voulais parler avec détermination, mais c'est un chuchotement ridicule qui s'échappe de mes lèvres. Je suis descendu bien bas...

- Je ne suis pas sûr d'en avoir envie, rétorque sèchement Samuel.

Wow... Ce n'est plus de la froideur à ce niveau, je n'ai pas de mots pour qualifier le jeune homme face à moi.

- Accorde moi... Cinq minutes ? Dis-je sur un ton presque suppliant.

- Je t'en donne deux ! Siffle-t-il.

Il ne me facilite pas la tâche... Je tente de me vider la tête et me redresse pour l'affronter, les yeux dans les yeux.

- Ok, va pour deux minutes. Je vais juste vider mon sac, te dire tout ce que je garde enfouis en moi depuis que tu as disparu. Je ne te demanderai pas de me répondre, mais simplement de m'écouter.

Je reprends mon souffle, comme si chaque mot me procurait une brûlure partant du fond de ma gorge jusqu'à ma bouche.

- J'étais mort d'inquiétude. Quand Jerry m'a appelé, j'ai cru que mon monde s'effondrait, sans en comprendre les raisons. Mes nerfs étaient à fleur de peau. Et quand je me suis précipité au haras, où la police venait de débarquer, je me suis senti étouffer.

Les yeux de Sam ne me quittent pas une seule seconde. Je sais que j'ai toute son attention, et même s'il parait toujours froid, un éclat pétillant dans ses iris m'invite à poursuivre.

- Mais malgré tous ces intrus qui étaient chez nous, personne ne savait où tu étais, et les flics refusaient de partir à ta recherche à cause du mauvais temps. Nous étions consignés au chalet, pendant que l'inspecteur responsable établissait un plan pour les recherches. Mais... A chaque seconde qui passait, mon ventre se nouait un peu plus et ma gorge se resserrait comme un étau. Quand tout à coup Panther a débarqué au haras, sous la pluie battante. Nous avons tous pensé que tu étais de retour, et je suis sorti comme un fou.

Je m'interromps un instant pour reprendre mon souffle. Je suis conscient que donner tous les détails n'est pas nécessaire, mais j'en ressens un besoin viscéral, alors je laisse sortir tout ce qui me passe par la tête.

- Quand je me suis rendu compte que tu n'étais pas sur ton cheval, j'ai cru que j'allais défaillir, mais j'ai eu l'idée de repartir avec Panther. J'étais certain qu'il me conduirait à toi, et je ne me suis pas trompé. Il m'a ramené jusqu'à l'endroit où vous avez dévalé la montagne. J'ai emprunté le même chemin, non sans récolter quelques égratignures au passage. J'avais les poumons en feu, le cœur qui battait la chamade, sans parler de la pluie qui m'empêchait de voir à plus de deux mètres autour de moi. Je ne sais pas par quel miracle j'ai réussi à te retrouver... Mais je remercie le ciel et la terre de m'avoir guidé jusqu'à toi.

Ses yeux brillent, une chaleur inconnue habite désormais son regard. J'en suis tout retourné.

- Je t'ai pris dans mes bras... Je n'arrivais pas à croire que j'avais réussi. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'en plus de la pluie, mon visage ruisselait de larmes. Et même... Même si tu étais à moitié inconscient, je ne voulais qu'une chose... Sentir tes lèvres sur les miennes. Tu n'imagines même pas le contrôle que j'ai dû avoir pour ne pas céder. Seul ton état m'a poussé à te ramener. Le stress, le soulagement, la fatigue... Tous ces sentiments mélangés à celui que je n'arrivais pas à reconnaitre m'épuisaient aussi. Et puis... Quand enfin on est rentrés, que j'ai su que tu étais en sécurité, la barrière que je maintenais en moi s'est brisée, et j'ai su...

Ma gorge est nouée, je tremble de la tête au pied, mais en baissant la tête et fermant les yeux je lâche :

- J'ai su que j'étais amoureux de toi...

Un poids s'enlève en moi, alors même que je n'en avais pas conscience.

- Ce sentiment... Je ne l'avais jamais connu, et je me suis retrouvé mis à nu.

Je suis interrompu par un gloussement. Je relève les yeux vers Samy, qui contient comme il peut un sourire en cachant sa bouche avec sa main. Je fronce des sourcils.

- Ce n'est pas drôle... Je me dévoile comme je peux... Bref, quand j'ai réalisé ce que je ressentais pour toi, un nouveau sentiment s'est emparé de moi... La panique. Je suis toujours resté seul, et imperturbable face à l'amour avec un grand A et toutes ces conneries. Et d'un seul coup, je me suis pris en pleine gueule une douche froide. Tous ces sentiments inconnus ont submergé mon âme. Par conséquent, quand je t'ai retrouvé dans cette même chambre, presque frais comme un gardon, je me suis réfugié derrière la première muraille que j'ai trouvée, qui était la méchanceté. Je me suis mal comporté avec toi, le fait de te voir dans ce lit m'a retourné le cerveau... Je suis désolé, Samuel.

Mon cœur bat à présent à mille à l'heure, je ne sais plus où me mettre. Samy me fixe avec un regard nouveau. A plusieurs reprises il s'humecte les lèvres. Puis, pour mon plus grand étonnement, ses épaules se mettent à tressauter avant qu'il ne rigole franchement. Je marmonne :

- Je m'attendais pas du tout à ce genre de réaction.

- Et je ne m'attendais pas à ce genre de discours, dit-il entre deux rires.

- Si tu pouvais arrêter de te foutre de ma gueule, ça m'arrangerait.

- Pardon, pardon... Allez viens là, dit-il en tendant les bras vers moi.

Surpris, mais porté par l'envie irrépressible de me blottir contre lui, je me précipite et saute sur le lit pour m'étendre sur lui, la tête contre ses pectoraux. Je passe mes bras dans son dos, tandis qu'il commence à caresser mes cheveux tendrement. J'entends son cœur battre aussi vite que le mien, et je me sens rougir comme un adolescent.

- Tu sais... Commence-t-il doucement. Je ne voulais pas te pardonner. J'avais fait plein de bonnes résolutions pour te résister, et tu es arrivé... Tu as déballé tout ce que tu ressentais, et tu m'as fais tout simplement fondre. Moi aussi... Je suis amoureux de toi.

Je relève un visage surpris vers lui. Il prend mon visage en coupe et ses lèvres se soudent aux miennes, comme si m'embrasser était sa raison d'être. Mon cœur explose alors à cet instant, et je gémis contre lui. Il en profite pour m'envahir, sa langue rencontre la mienne pour se lancer dans une danse sensuelle, qui m'emporte complètement. Je me redresse et reprends le contrôle de notre baiser, lui arrachant un soupir d'aise, tandis que je plante mes doigts dans ses cheveux. Nos barrières tombent une à une, ne laissant que nos deux corps brulants de désir l'un pour l'autre.

A bout de souffle, je détache ma bouche de la sienne de quelques millimètres, pour le fixer dans les yeux. Mais je ne vois que de l'amour, ce putain d'amour avec un grand A qui va certainement me rendre fou. Je pose délicatement mon front contre le sien en poussant un gros soupir, alors que les doigts de Samuel continuent de me caresser tendrement les joues. Je voudrais que ce moment ne s'arrête jamais...

Un Amour InattenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant