[1] Décision

794 62 70
                                    

"Quand on a peur dans la vie, c'est parce qu'on ne sait pas quelle décision prendre."

-Bernard Werber

•◇•◇•◇•

Mes oreilles sifflaient une note solitaire, comme un chant de sirène. Cependant, plus les grains dorés s'écoulaient dans le sablier du temps, moins j'entendais ce bourdonnement des plus déplaisants. Je sentais une présence s'avancer dans ma direction, présence qui, une fois toute proche de mon corps, tomba à genoux dans la terre et la poussière de la forêt. La clairière semblait si calme, si paisible, seul le son mélodieux des pins allégeait l'atmosphère si asphyxiante. Elle laissa tomber son arme à côté d'elle et éclata en sanglots, incapable de retenir ses larmes davantage. « Tu m'avais promis de ne pas pleurer... » Elle se pencha avec une lenteur dont elle seule avait le contrôle, si on pouvait le dire ainsi, et me souleva par la nuque pour poser ma lourde tête sur ses cuisses. J'apercevais, à travers mes yeux mi-clos, ses iris noisette briller de millier de larmes. Je la sentais trembler, de choc et de froid, tandis qu'elle luttait pour ne pas céder sous le poids de cette lourde responsabilité. Délicatement, sa main vint se loger dans mes cheveux châtains. « Tu m'avais promis, Mabel... » Elle renifla puis essuya ses joues d'un revers de manche. Du sang s'imprimait sur sa peau pourtant si claire, d'ores et déjà humide, tandis qu'elle me murmurait tout près de mon visage :

« -C-ça va aller Dip', c'est presque fini... Tout ira bien... Je t'aime ... » J'esquissai péniblement un geste pour lui caresser la pommette du bout de mes longs doigts. Les lèvres de ma sœur, toujours tremblotantes, étaient d'un rose que je ne saurais décrire instantanément, bien que je puisse écrire un livre entier sur celles-ci. « "L'épine même est agréable quand on y voit une rose". Qui a écrit ce proverbe déjà... ? » Elle était magnifique avec son couvre-chef bleu ciel, sa robe de la même teinte et ses talons cirés qui claquaient à chacun de ses pas. Ses longues boucles cascadaient le long de son dos, allant jusqu'à caresser le parterre. Son visage s'était reculé légèrement, ce qui libéra une infime lueur de soleil qui entra en contact avec ma peau. Que c'était agréable...

« -Pourquoi souris-tu comme ça... ?

-Mabel... T-tu as fait c-ce qu'il fallait... Je t'aime... »

[...]

Le bruit fracassant d'un coup de tonnerre orphelin creva le lourd silence qui englobait la pièce, précédé d'un début de clapotis embrassant l'unique fenêtre servant à éclairer le lieu d'une timide lueur filtrant à travers les nuages cendrés. Le sifflement du vent était étouffé par les murs épais, et la petite bruine éphémère se transforma brutalement en une tempête insolente qui, de toute évidence, venait de brutalement me réveiller, abandonnant ainsi mon monde onirique. J'esquissai un geste las pour me frotter les yeux, peu enchanté de ce concert soudain qu'offrait Mère Nature avec violence et surprise. À ma gauche, une silhouette se mut et se hissa lentement hors de son duvet pour se mettre assise.

« -Hm... Dip', ça va ? Tu as fait un cauchemar ? » La jeune adolescente de treize ans posa ses yeux fatigués sur moi avec insistance. J'hochai la tête tandis que mes genoux rejoignaient mon torse, ma tête allant se loger sur ceux-ci. Une infime poignée de secondes suffirent à lui permettre de se déplacer tranquillement jusqu'à mon matelas.

Elle entoura ses bras autour de mon corps si frêle pour me réconforter et inconsciemment, me fournir de la chaleur. L'air était glacial dans cette petite chambre en bois, donnant ainsi l'agréable impression de dormir au creux d'un arbre.

« -Tu veux me raconter ? » Demanda-t-elle d'une voix calme. Je ne répondis pas, j'étais comme figé. « O-où sommes-nous ? » Je regardai avec insistance la pièce. C'était chez moi, ou plutôt, la chambre décorée à l'ancienne. Étrange, nous n'avions plus treize ans depuis des lustres... Ça voulait dire que rien de tout ceci ne pouvait être réel.

Recovery FallsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant