Pour que le jour se lève [TERMINÉE]

Chapitre 9 : Pourquoi n'es-tu pas restée ?

Marie fut réveillée par une main contre son bras. Au début, elle pensa que c'était Suzanne qui avait eu peur d'un bruit, mais après elle entendit les chuchotements de plusieurs personnes. Marie se redressa vivement, la peur au ventre.

"Coucou Marie ! s'écria Suzanne, pour une fois c'est moi qui suis réveillée la première."

La petite fille était entourée d'autres enfants d'âges différents. Ils souriaient tous et rigolaient ensemble. La jeune fille qui avait réveillé Marie semblait être la plus âgée.

"Bonjour, commença-t-elle, je m'appelle Danièle, mais tu peux m'appeler Dannie.

-Euh... Bonjour, dit Marie hésitante.

-Désolée si je t'ai réveillée mais je ne voulais pas que ce soit leurs cris qui te sortent du sommeil.

-Oh, merci.

-Les enfants, lança Dannie, dites bonjour à Marie.

-Bonjour Marie ! s'écrièrent en cœur les autres enfants avant de reprendre leur partie de rigolade.

-Ils ne sont pas forcément très polis, désolée, reprit Dannie.

-C'est pas grave, ne t'inquiète pas, dit Marie en se frottant les yeux, d'où vous venez ?

-De plusieurs villages différents. Moi, je viens de Bergerac.

-Bergerac ! s'écria Marie, ça fait loin d'ici ! Enfin, je dis ça mais je ne sais même pas où on est.

-Loin de Bergerac, dit Dannie dans un petit rire. Gabin et Claudie viennent de Limeuil, Joëlle d'Ainhoa et Gabriel de Sare. Et toi et ta sœur, vous venez d'où ?

-De Marnay.

-Je ne connais pas.

-C'était un charmant petit village, dit Marie en soupirant.

-Était ?

-Oui, il a été détruit par la Milice et les nazis.

-Oh, je suis désolée.

-Ne le soit pas, tu n'y es pour rien. Marie se tut pendant quelques secondes puis reprit. Je peux te poser une question ?

-Tout ce que tu veux.

-Pourquoi toi et les autres vous êtes partis de vos villages ?

-A chaque fois c'est la même chose. Des gens se font enlever par la Milice et les autres ont peur. Dans beaucoup de villages, les gens essaient de faire partir les enfants pour qu'ils ne soient pas emmenés par les collabos. Mais après, on se retrouve seuls, sans même un toit. On ne vit plus, on survit. Je ne pensais pas qu'un jour je serais réduite à ça.

-Je vois ce que tu veux dire. Suzanne et moi, nous avons quitté notre village il y a un mois environ, et depuis on en a vu des vertes et des pas mûres.

-J'imagine."

Les deux jeunes filles parlèrent ensuite de tout et de rien comme si elles se connaissaient depuis toujours. Marie se sentait heureuse et libérée : Suzanne et elle n'étaient plus seules. La jeune fille observa les enfants qui jouaient avec sa sœur. Gabriel était un petit garçon de 8 ans plutôt réservé et très timide. Ses yeux étaient uniques : un œil vert, un œil marron. Cette particularité fascinait Marie qui trouvait que la perfection se dévoilait dans l'imperfection. Joëlle, elle, était tout le contraire de Gabriel. Elle sautillait partout, comme un cabri. Du haut de ses 7 ans, elle était une petite fille autoritaire. Ses beaux cheveux bruns étaient tressés et dans ces nattes étaient accrochées de jolies fleurs bleues claires. Sa robe rose pâle tournoyait telle une feuille tombant sur le sol. Claudie portait des rubans roses sur sa robe fleurie. Ils flottaient au vent de façon poétique, comme s'ils racontaient un poème à eux seuls. Claudie n'avait qu'un an de moins que Suzanne et pourtant, une grande maturité émanait de son visage d'enfant. La vie n'avait sûrement pas du être tendre avec elle. De plus, avant de se retrouver avec Dannie, elle était seule avec son petit frère. Une enfant de son âge ne devrait pas avoir la charge de son frère. Celui-ci ne semblait pas vraiment affecté par la situation, il prenait ça comme une grande aventure. Il était le plus jeune du groupe et fier de l'être. Tout le monde faisait attention à lui. Son visage insouciant et espiègle et sa casquette en toile bleue lui donnait un air de Gavroche, dans les Misérables de Victor Hugo. Marie aimait beaucoup ce livre, elle l'avait lu un millier de fois. Ce petit Gavroche de 6 ans ne ratait jamais une occasion pour faire une farce ou une bêtise.