AMBRÉLINA
J'étais capable de jouer une infinité de personnalités, autant que l'on m'en demandait. Passant aisément d'une rockeuse à une fausse menteuse. Je pouvais être bien des choses, de la skieuse à la tueuse. Le seul rôle dans lequel je n'arrivais pas à me mettre, c'était le mien. On ne m'avait jamais rien laissé choisir. Mais, on m'avait assuré que c'était pour mon bien.
La seule chose dont j'étais vraiment persuadée, c'est que j'aimais danser. C'était à ce jour, la seule chose sur moi que je savais. Ma mère directrice aguerrie d'une compagnie de ballet contemporain, m'y avait jeté pieds et poings liés. Et vous savez quoi, j'avais adoré.
Et, encore en ce moment, c'est ce que je fais.
Representation de fin d'année, je danse à m'en électriser les pieds. À m'en galvaniser, et à en avoir le souffle coupé. Une main puissante s'accroche à ma taille, tandis que l'autre se colle à ma paume. Mes mouvements sont aussi bruts que saccadés, je sens les projecteurs m'illuminer, la musique en moi pulser. Mon cœur résonne à chaque fois que mon pied rebondit sur le parquet pour suivre la mélodie endiablée, un sourire de fierté sur mes lèvres colorées de rouge carmin. Les doigts de Arian agrippent fermement ma hanche, me préparant pour le final. Il pose ses mains sur mes joues, et je glisse à ses genoux avec légèreté, candeur et volupté.
Je ne danse plus, je suis la danse.
Ma bouche à quelques centimètres de la sienne, nos deux corps au beau milieu de la scène. Je rive mes prunelles noisette dans les siennes. Faisant abstraction des applaudissements et des ovations. Tremblante, il m'aide à me relever. Je me campe sur mes deux jambes, et mon plus éblouissant sourire peint sur mon visage rayonnant de bonheur, je remercie et salue chaleureusement le public.
Je suis si heureuse que même ce bustier trop serré n'arrive plus à me comprimer. Arian qui est à la fois mon partenaire de danse et mon meilleur ami, fourre sa main dans la mienne me soufflant :
— Tyran en approche, ma belle...
Mon corps se raidit d'emblée, mes traits se crispent lorsque je tourne imperceptiblement la tête pour la voir elle. Elle hoche la tête, et je sais que c'est sa manière à elle de me féliciter. À quatre ans, elle m'a fait essayer une robe prune, et, ravie que cette teinte m'ailles si bien, elle m'a ordonné que ce serait ma nouvelle couleur préférée. Depuis, ça n'a pas changé. Parce que ce qu'elle m'impose quoi dire, quoi faire, quoi porter. Et moi, je le fais. Je ne suis qu'une infinité de personnalités, cherchant à s'émanciper. Pour espérer trouver celle que je suis, bien que cela me terrifie.
Je reporte une dernière fois mon attention sur la foule nous acclamant, un visage familier apparait. Un garçon légèrement plus âgé, il ne bouge pas, se contentant de me scruter, comme si j'avais un secret à cacher. Même assit sur son siège, j'arrive sans mal à deviner qu'il est plus grand que la plupart des gens. Des cheveux bruns foncés, en bataille, et des yeux d'un marron moucheté d'ambré.
Arian me tire derrière lui, j'entends mes hauts talons résonner sur le parquet, ce martèlement rythmé me faisant revenir à la réalité. Je m'enfonce dans les coulisses, prête à l'affronter.
Ma mère coince derrière mon oreille une mèche de mes cheveux savamment bouclée qui se rebelle. Son visage n'exprime aucune émotion, sa voix froide et professionnelle et celle d'une directrice qui s'adresse à l'une de ses élèves. Seules les quelques intonations qu'elle emploie me persuade que cœur et âme se cachent sous cette armure en acier qui lui sert d'enveloppe charnelle.
— Tu étais parfaite, trésor ! Le Jury va t'adorer !
Elle appuie sur le dernier mot de sa phrase, et, je sourie faussement comme je l'ai toujours fait. Parce que ce gala ne lui suffisait pas. Il fallait qu'elle demande à l'une de ses connaissances de me faire défiler. Au final, je suis plutôt heureuse de jouer la mannequin en herbe, car je ferais cela avec une amie. Toute la vie de celle qui m'a conçue n'est qu'une compétition. Parfois elle me fait penser à une bombe à retardement. Parce que Papa est parti, et moi, j'ai grandit. Si elle le pouvait, elle m'enfilerait encore mes robes de poupées.
Ma main toujours dans celle de Arian, je lui fait comprendre que je veux me tirer. Fuir, l'espace de quelques instants, pour oublier ce moment et ne me concentrer que sur mon présent. Comprendre qui je suis vraiment.
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Ce que j'étais avant toi... (TERMINÉ)
RomanceCe que j'étais avant lui ? Juste moi. C'est ce que je réponds, car cela semble logique. Mais en réalité, qui étais-je vraiment ? Cela, je ne le savais pas. Nous nous sommes croisés bien plus d'une fois, mais nous ne nous sommes rencontrés qu'une seu...