SACHA
Je me suis réveillé dans un lit qui n'était pas le mien, avec dans les narines un enivrant parfum. Mélange de fleurs et d'oranges, pas de toute, j'étais auprès d'un ange.
En me redressant sur les oreillers, un bras appuyé sur mon buste m'empêche de bouger. Paupières plissées, j'aperçois une silhouette nous scruter. C'est à ce moment que j'ai su que les choses allaient très mal tourner.
Je sursaute, en secouant Ambrélina qui me frappe pour que je cesse de l'importuner. D'une voix peu assurée, mon souffle se coinçant dans ma gorge, je croasse :
— Je crois qu'il y a ta mère...
Brusquement, les deux puits chocolatés que sont ses yeux s'ouvrent grands. Elle me lance un regard suppliant, sous sa couverture, ses longs ongles s'enfoncent dans la chair de ma cuisse. Également prise au dépourvu que moi par cet imprévu.
— Ciel, jeune-fille, explique-toi !
Ton froid, visage inexpressif, corps crispé. Sa mère, sa réalité. J'emprisonne les doigts d'Ambrélina dans les miens, l'édredon étant notre seul protection. Comme je m'y attends, des éclats de voix, c'est un véritable vacarme, un horrible brouhaha. Ma talentueuse danseuse bondit de son lit, tandis que j'enfile discrètement mon pantalon. Ses cordes vocales semblent se déchirer lorsqu'elle hurle :
— Mais qu'est-ce que j'ai fais pour que tu sois ainsi ? Je fais tous pour te rendre heureuse !
Malgré que son regard se voile de tristesse, Madame Clevens reste impassible face à la fusée de détresse que lui envoie son unique enfant.
— Tu me déçois tellement, Ambrélina Mélodie Clevens.
Ton froid, visage inexpressif, corps crispé. Sa mère, sa réalité. De sa longue marche de coton, la danseuse essuie les larmes sillonnant ses joues rougies. Je me retiens de la serrer contre moi.
— C'est toi maman, qui me déçois tellement.
Bien que sa voix tremble, elle reste de marbre lorsque la puissante gifle vient s'écraser sur sa pommette. Le coup passé, son corps tressaille, comme si son être entier se brisait. Ses prunelles embuées d'eau dévisage sa mère, leur deux visages interloqués. Quelque chose entre elle vient d'éclater. Dents serrés, sourcils froncés, elle gémit d'un ton plaintif :
— Sacha, je t'en prie, laisse-moi...
Même si je le voulais, comment le pourrais-je ?
Un sourire triomphant étire les lèvres de Madame Clevens qui part dans le salon. Je m'approche d'Ambrélina, tentant de la prendre dans mes bras. Elle me repousse avec tant de forces et de rage que je manque de basculer. Je voudrais tant l'aider, la recoller. Sa cage thoracique semble se compresser, sur mon torse, ses poings pleuvent. Je voudrais la rattraper, simplement rester à ses côtés.
Ses paumes sur mon plexus, elle me force à reculer. Je peux presque voir sa peau veloutée se déchirer, je peux presque la voir saigner. Parce tout son monde s'effondre tandis qu'elle tente de se rattraper aux graviers. Tel un avion de papier, elle se crash, sans rien à quoi se raccrocher.
— Casse-toi Handerson !!
Je referme mes bras autour d'elle, pour l'étouffer de mon amour, l'empêcher de bouger. Elle se débat, jouant de ses pieds. Je pose mon menton sur le sommet de son crâne, la laissant rugir et s'ébrouer. Parce qu'elle est ce pantin, cette poupée, qui souhaite arracher les liens qui l'entrave. Ceux qu'on lui a toujours imposer. En pleurant, elle me souffle :
— Comment pourrait-tu apprécier un personne qui... ne s'est pas qui elle est ?
Ambrélina Clevens, un genre d'éphéméride sacrement amoché. Tel un papillon sans ailes qui rêve de s'envoler. Un cœur perforé que je m'efforce de reboucher. Du coin des pouces, j'essuie les dernières larmes qui dévalent son doux visage et, lui chuchote :
— Parce que je m'intéresse à toi, j'essaye de comprendre comment tu fonctionnes...
Je me coupe quelques instants, me mordant la lèvre inférieure, en ricanant je reprends :
— Si j'avais su dans quoi je m'engageais !
Un sourire perce dans ses yeux, puis sur sa bouche charnue. Je cale mes paumes sur sa mâchoire en lui disant très sérieusement :
— Tu es... aussi extraordinaire que ton prénom. Têtue, tu ne te laisses jamais faire. Tu te donnes à fond dans tous ce que tu entreprends. Que ce soit dans la danse ou en amitié. Tu as du mal à t'exprimer mais pas à communiquer, tu es...
Elle ne me laisse pas le temps de finir ma tirade, plaquant avec ferveur son corps au mien, ses lèvres aux miennes. Ambrélina Clevens, aussi fragile qu'un avion de papier, aussi blessée qu'un papillon aux ailes coupées. Qui bien que brisée de tous côtés, ne cessait pas un seul instant de lutter.
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Ce que j'étais avant toi... (TERMINÉ)
Roman d'amourCe que j'étais avant lui ? Juste moi. C'est ce que je réponds, car cela semble logique. Mais en réalité, qui étais-je vraiment ? Cela, je ne le savais pas. Nous nous sommes croisés bien plus d'une fois, mais nous ne nous sommes rencontrés qu'une seu...