Ce que j'étais avant toi... (TERMINÉ)

(9) Exprimer

AMBRÉLINA

Sacha Handerson, l'un des garçons les plus adulés de l'Université venait de m'embrasser, moi, la fille qu'on ne connaissait pas.

C'est ce à quoi je pensais lorsque, en sortant des vestiaires, je lâche avec lourdeur mon sac de sport sur le parquet ciré. Je fais mine de ne pas sentir les yeux de Sacha me scruter, m'étant disputer avec Arian, il était le seul à pouvoir et vouloir m'emmener. Je lance la musique sur mon téléphone, la connectant ainsi aux enceintes. De suite, le rythme pulse autant dans la pièce que dans mes veines. Je ferme les paupières, en me convaincant que je suis seule. Je profite du retard d'Arian pour me défouler. Je cesse d'exister, je ne fais que danser.

Je suis là où je dois être, il n'y a plus de scène, juste un océan de sensations et d'émotions à traverser. Les yeux fermés, je sens mes pieds tressauter, mes bras s'envoler, mon corps se déhancher. Il n'y a que moi et les battements de mon cœur effréné. Le son semble s'intensifier, je frappe le sol de mes talons avec plus d'ampleur tandis que le reste de mon corps n'est que légèreté.

Lorsque j'entends le refrain retentir, mes mouvements deviennent d'emblée plus saccadés. J'évacue ce trop plein de colère et de rage que Arian et Coraline m'ont provoqué. Je danse si vite, si fort, que je peine à respirer. Ma voûte plantaire claque dans un retentissement sonore le sol, et moi, je craque. Je sens mes muscles se tendent, me tirailler. Me laissant emporter par la mélodie, tout mon être crie. Je recharge mes batteries. Je me sens tournoyer, m'évader, décolérer.

Ma tête oscille, mes bras s'enroulent et se déroulent, mes jambes se tendent et se détendent. Je deviens cet océan de sensations et d'émotions que je n'arrivais pas à traverser. Je balance mon bassin à droite, puis à gauche. Je me courbe de tous côtés, pliant et dépliant les genoux. Mon menton touche mon cou, ma main sur ma joue, je hurle silencieusement, et fais la moue. Mes cheveux éparpillés, mon corps brûlant, la danse m'ayant imprégné.

Les dernières notes retentissant, essoufflée, je donne tous ce que j'ai. Les poings en l'air, puis en bas, mes doigts s'accrochent et se décrochent d'une invisible matière. Je balance sauvagement mon crâne dans tous les sens, car je ne suis qu'une substance. La chanson se termine, heureuse et éreintée, je cesse de danser, enfin apaisée d'avoir réussi à m'exprimer.

Ma crinière en bataille, la bouche sèche, rouge par l'effort, je me fais volte-face et sursaute en découvrant Sacha. Je l'avais complètement oublié celui-là. Mains sur les cuisses, je reprends ma respiration en lui lançant un regard en coin. Il parait subjugué, complètement dépassé. La bouche à demi-ouverte, il ne cesse de me fixer.

Il balaye mes courbes d'un regard intrigué, comme si j'étais une fumée prête à se dissiper. Ses prunelles chocolatées ont l'air perdues, comme si la vapeur s'échappant d'une salle de bain les avait embués, voilant leur éclat ambrés.

En ayant l'étrange impression d'être sortie de mon propre corps, je le vois se lever et avancer. Déterminé, d'une démarche assurée qui me fait frissonner. Il est si grand que je me retiens de me mettre sur la pointe des pieds. Soudain, ses paumes se retrouvent sur ma mâchoire, me plaquant brutalement au miroir. Lorsque son bassin rencontre le mien, sa bouche entre en contact avec la mienne, je ne suis qu'un amas d'atomes fiévreuses. Il place l'une de ses longues jambes entre mes deux cuisses, nous rapprochant d'avantage. Mes doigts se perdent dans ses cheveux, la seconde d'après courent le long des muscles saillants qui forment son dos. J'ai cet irrépressible besoin de le toucher, de le sentir contre moi.

C'est un baiser velouté et passionné. Sa langue épouse la mienne, ses mains descendant le long de mon dos, effleurant ma taille, pour empoigner mon fessier. Ses paumes semblent s'y imprimer. Ses lèvres sucrées me dévorent, encore et encore sans jamais s'arrêter. Bien que je ne trouve plus d'air dans ma poitrine, je suis incapable de m'écarter.

— Ambrélina ?!

Souffles coupés, cage thoracique compressées, bouches gonflées. Un mot et je reviens à la réalité. Je me détache du magnifique brun, pour tourner ma tête en direction de la voix. Soubresaut, je manque de tomber. La main de Handerson se détache de mes fesses, remontant sur l'os de mon bassin. C'est la seule chose qui m'empêche de dégringoler. Mon visage à quelques millimètre du sien, mes yeux rivés sur ma seule amie au féminin.

Je viens de l'embrasser, et Coraline est arrivée. J'ai envie de rire, de pleurer, mon cœur va exploser. Je ne vais pas tarder à disjoncter. Fatiguée d'avoir bougé, je me contente de la fixer, ayant besoin de danser pour m'exprimer, je suis incapable de lui dire le fond de ma pensée.

⭐️⭐️⭐️