åtte

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Quelques jours plus tard.

Je déteste les monologues intérieurs dans les films. Ces moments où rien ne va et que le narrateur, en voix-off, fait un point sur sa vie, tout en montrant des images d'une routine appuyant le côté solitaire et fondamentalement triste de celle-ci. Je n'aime pas ça. Mais c'est ce que je fais. Là maintenant. Je suis narrateur, mais aussi spectateur, puisque étant le seul à avoir accès à l'intérieur de ma tête. Et je ne peux pas me supporter.

Je regarde le restaurant. Ça va bientôt faire trois ans que j'y travaille. J'avais commencé en tant que serveur au début de mes études, et maintenant que je termine presque ma dernière année de licence, je suis au guichet, je suis plus communément appelé réceptionniste.

Et c'est pour ça que je le réceptionne, lui.

Lui qui arrive tout souriant vers moi.

Moi qui n'arrive pas à sourire vraiment, honnêtement, alors qu'il le mérite.

« Comme d'habitude s'il te plaît. »

Je les conduis à leur table, toujours au milieu de tout le monde, même si l'idée du mariage semble bien loin maintenant. Ils sont heureux, ils se câlinent et s'assoient.

Je retourne à mon guichet. Attention ça tourne ! Et action.

Monologue.

« Je me demandais comment tu allais ?

_ Comment ça ? »

Je rougis, évidement.

« Tu n'avais pas l'air bien. Et j'ai pas voulu forcer ou quoi donc je suis parti mais j'ai bien vu que ça n'allait pas. »

Je baisse la tête et me racle la gorge.

« Honnêtement ? »

Il hoche la tête avidement.

« Bien sûr ! Tu sais que tu peux te confier à moi.. Moi qui me suit tant confié à toi. »

Il finit sa phrase en souriant et me donne toute la confiance du monde.

Je décide de parler.

« En effet ça ne va pas trop. »

Il s'approche du guichet et pose ses mains dessus. Il semble pencher son visage pour mieux m'entendre en ne me forçant pas à lever la voix.

« Je suis sûr de rien en ce moment. J'ai... »

Je le regarde et il semble vraiment décidé à m'écouter.

« Je travaille tous les soirs ici, après mes cours à la fac et j'ai l'impression au fil des jours que ça ne me servira à rien, ni l'argent du boulot, ni les connaissances de la fac. J'ai l'impression d'aller nul part. »

Il hoche la tête.

« Ça fait combien de temps que tu travailles là ?

_ Bientôt trois ans.

_ Ça fait beaucoup. »

C'est à mon tour d'hocher la tête.

« Ce que tu fais ne te plaît plus ?

_ C'est pas ça. C'est juste que je n'en trouve plus de but. »

Il a l'air de comprendre. Comment peut-il comprendre alors que moi-même je suis perdu. Je lui dis juste ce qui me passe par la tête et lui trouve que ça a un sens.

« Je ne sais pas trop quoi te dire pour te rassurer. Parce que je sais que ça va aller. Que tu vas finir par retrouver foi en ce que tu fais. Mais je sais pas comment te le faire ressentir. »

Il coupe finalement toute distance entre nous et le chuchote en me tenant l'épaule.

« Ça va aller. Je te le promets. »

Il me fait un clin d'œil, c'est tout ce qui me fallait pour que mon cœur cède, et s'en va.

Au plaisir de te revoir. Je chuchote, heureux, pour moi-même.

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