Partie 5 - Luna

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Deux choses détestables : la salade et les salades



J'ai toujours détesté le contact physique.

En fait, j'ai toujours eu une sainte horreur d'être touchée par qui que ce soit, pour quelle que raison que ce soit. Je ne m'étais jamais demandée pourquoi j'étais devenue si sensible à cela avec les années, et puis en entrant au lycée, j'ai fini par réaliser que la raison derrière cette phobie qui s'était développée crescendo, ce n'était autre que mes rondeurs de plus en plus apparentes. C'était comme si j'avais le sentiment que si quelqu'un venait à poser le doigt sur ma peau, il sentirait combien je suis grasse, et ressentirait ainsi du dégoût envers ma personne : l'idée seule me rendait toujours extrêmement nerveuse et honteuse. Moi, j'avais appris à m'aimer, je m'étais habituée à ces bourrelets moelleux qui cernaient ma taille à la façon d'une bouée. Mais... pas les autres. Et chaque fois que quelqu'un avait le malheur de m'effleurer, j'avais une peur irrémédiable que ma bouée me rende indésirable. Cette peur irrationnelle expliquait également le fait que je ne sois pas très à l'aise avec la proximité des gens qui ne m'étaient pas proches : peut-être une manière inconsciente de me protéger. Lorsque quelqu'un avait la mauvaise manie de se rapprocher, je me crispais instantanément avant de prendre mes distances.

Ce fut d'ailleurs mon exacte réaction lorsque le bras de Vito effleura le mien alors qu'il finissait d'écrire sur la page de son cahier, qu'il déchira avant de retourner pour continuer à griffonner quelques notes au dos. Ce léger contact physique me rappela irrémédiablement notre chute dans les couloirs qui avait eu lieu la semaine passée, et mon malaise s'accentua. J'entendais la voix du maître de conférences bourdonner dans mes oreilles, mais je n'arrivais pas à saisir un traître mot de ce que ce quadragénaire à la calvitie proéminente racontait au sujet des mœurs des populations à l'époque médiévale. Pas qu'il n'articulait pas, ou que je me trouvais trop loin : la présence de Vito m'empêchait de collecter mes pensées et de les ordonner correctement. C'était la première fois que je le voyais à ce cours magistral ; il m'avait dit à demi-mot en arrivant qu'il s'asseyait toujours à la dernière rangée d'habitude. Mais cela n'avait fait que raviver mes questions : pourquoi était-il là subitement ?

J'avais l'impression de me faire des films, mais en arrivant, c'était comme si ses yeux avaient cherché ma personne. Son visage s'était illuminé en m'apercevant, et cela m'avait déroutée. Il était rapidement venu s'asseoir à côté de moi et m'avait salué avec un sourire. Il était beau, de loin mais encore plus de près. Ses beaux yeux noisette aux reflets verts scintillaient, ses épis châtain clair étaient mignons comme tout, sa mâchoire dessinée le rendait virile. Mais je pense que sa voix était ce que j'aimais le plus. Je ne sais pas, elle n'était pas très grave mais elle avait quelque chose de charmeur, détaché. J'aimais sa manière de répondre spontanément, son regard perçant. Je me demandais depuis quand mon esprit s'attardait sur ce genre de détails...

J'eus soudainement un violent soubresaut qui me sortit de mes pensées alors que le professeur annonçait le programme de la séance prochaine, et que je réalisai que la présence de Vito à mes côtés me donnait réellement des papillons dans le ventre. C'est pour ça que je n'aimais pas côtoyer les mecs mignons : je ne pouvais pas traîner avec eux sans qu'ils attirent mon attention comme un aimant.

« Tu es libre ce midi ? »

La question était tellement inattendue que l'espace d'un instant, j'avais hésité à tourner mon visage dans sa direction, débattant intérieurement sur le fait qu'il était impossible qu'il s'adresse à moi. Puis, sachant qu'il m'était impossible de me dérober discrètement étant donné que j'étais bloquée au milieu de la rangée de sièges, mon regard croisa timidement le sien pour constater qu'il m'observait en souriant. Voyant que je restais silencieuse, Inaya qui se trouvait à ma droite et qui avait entendu sa question, me fichut un coup de pied précipité dans le tibia qui fut à deux doigts de me faire pousser un juron.

Combien pèse l'amour ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant