Partie 2 - Vito

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Tic, tac et Selecto

Tout en essuyant une des tables de bois noires que de jeunes clients venaient de libérer, je ne pus m'empêcher de jeter un énième coup d'oeil vers l'entrée bondée de monde, à la recherche d'une tignasse brune qui dépasserait du lot. Ne l'apercevant toujours pas, mon regard se porta alors machinalement sur la montre accrochée à mon poignet droit qui affichait vingt heures passées. Je ne pus m'empêcher de pousser un long soupir d'agacement en remettant en place la carte des desserts sur la table.

Mais qu'est-qu'il fichait celui-là ? Je n'avais pas le temps de traîner ici...

« Mon chéri ! »

En levant les yeux au ciel, connaissant cette voix masculine à l'accent aigu forcé, je m'étais lentement retourné vers le nouveau client qui venait d'entrer dans le bistrot, croisant les bras sur ma chemise blanche en signe de reproche. 

Un sourire taquin sur les lèvres, sautillant presque, un grand brun se dirigeait vers moi sous le regard amusé d'une table de clientes, qui semblaient rire du surnom épouvantable dont il adorait m'affubler lorsque je travaillais pour m'embarrasser.

Autant dire qu'un beau jour, j'allais finir par cracher dans son café.

« T'es en retard idiot, t'es tombé amoureux pour prendre autant de temps ?
- Ah non, haha ! Ça c'est ton boulot mon vieux ! répliqua-t-il en riant. »

En prenant place au niveau du bar qui était le seul endroit du bistrot possédant des sièges libres, je fis signe à l'un de mes collègues de nous apporter deux cafés, lui signifiant que je terminais enfin mon service.

Mon regard se fixa alors sur mon voisin et ami d'enfance, l'air interrogateur.

« Arrête mec ! Je crois que j'ai pas assez de monnaie sur moi pour un café... s'écria mon meilleur ami en commençant à fouiller ses poches.
- T'affole pas, je te l'offre pour le service que tu m'as rendu ; t'inquiète. Bon alors Michael ? Verdict ? Avec ton sourire niais j'arrive pas à deviner.
- Ah... »

Michael afficha un sourire en coin qui ne me rassura pas, avant de s'adosser à son siège d'un air décontracté en enfonçant ses mains dans les poches de sa veste kaki.

« T'es plutôt mal barré, fit-il en souriant de plus belle d'un air amusé. Elle m'a rembarré plutôt sèchement, ça m'a carrément pris par surprise pour être honnête. Elle est peut-être grosse, mais c'est pas une fille facile. Tu pourras pas régler ce pari rapidement, à mon avis. Faut que tu la charmes plus subtilement.
- C'est bien ma veine... soupirai-je en buvant une gorgée du café serré qu'on venait de nous apporter. A croire que j'ai du temps à perdre avec les filles...
- Pour deux cent euros, on a toujours du temps à perdre mon cher ! »

Sa remarque véridique m'arracha un sourire désespéré, tandis qu'il commença à siroter tranquillement son café. Mais plus j'y réfléchissais, et plus ce pari me déplaisait fortement.

Me faire de l'argent en effectuant des travaux pénibles dont personne ne voulait ne me dérangeait pas, je l'avais toujours fait ; je n'étais pas de ceux qui dormaient beaucoup ou qui rechignaient à bosser dur. Lorsque l'an passé Jepherson, un ami du club de foot plutôt blindé, m'avait proposé de lui rendre quelques services en échange d'argent, j'en avais été ravi : le remplacer au bureau des sports pour faire la paperasse, faire quelques devoirs de maths pour lui, le faire réviser un peu pour les partiels... il me payait bien, et honnêtement, il avait beau manquer cruellement de manières ou paraître un peu lourd par moment, il était plutôt marrant et de bonne compagnie.

Combien pèse l'amour ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant