Partie 8 - Vito

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Haine et baiser

Cette soirée là, tout se déroula si vite que par moment, je peinais à croire que ce que je vivais n'était pas un simple cauchemar.

L'affichage du prénom de Luna sur mon téléphone portable alors que je travaillais au restaurant. La panique qui m'a saisi en réalisant que ma voiture ne démarrait plus. L'angoisse pesant de manière constante sur ma poitrine durant tout le trajet menant au seul hôpital de la ville, jusqu'auquel Michael avait accepté de me conduire. Et puis, le déchirement de mon cœur lorsque je suis arrivé près du lit où ma mère reposait, inconsciente, la tête bandée.

Je ne pus retenir quelques larmes en tenant sa main si frêle dans la mienne, et en contemplant son teint plus blanc que neige. Plus blanc que les draps qui reposaient sur son corps maigre. 

Un blanc maladif que je haïssais.

Ce n'était pas la première fois que ma mère se retrouvait à l'hôpital. Cette odeur de propre médicamenteux, cet air lourd empli d'une ambiance pesante, ces petits bruits de bip si réguliers que c'était à en devenir fou, la vue de tous ces gens à qui la vie avait volé la santé, et souvent même la joie avec. Et, bien que j'y étais habitué, chaque fois que je revenais dans cet endroit que mon corps entier exécrait, j'avais l'impression que le monde s'écroulait de nouveau tout autour de moi. Parce que je me sentais chaque fois responsable de l'état dans lequel ma mère était. Je me sentais coupable de ne pas pouvoir être à son chevet de manière immédiate. Je m'en voulais chaque jour de ne pas pouvoir lui apporter les soins dont elle nécessitait, faute d'argent. Je n'avais même pas réussi à tenir la promesse de l'emmener consulter un médecin que je m'étais faite...

Je n'avais jamais eu que ma mère. Elle avait donné sa jeunesse pour m'élever, moi un enfant conçu hors mariage, lorsqu'elle avait à peine seize ans. Un enfant qu'aucun homme n'a jamais voulu reconnaître comme le sien, un enfant qui n'a jamais réellement saisi la dimension du mot « père ». Ma mère était tout ce qui comptait pour moi, tout ce que je souhaitais protéger, et j'étais prêt à tout pour elle. J'aurais même été prêt à plonger corps et âme dans des affaires douteuses pour me faire beaucoup d'argent, si je n'avais pas conscience que, si elle venait à l'apprendre un jour, elle mourrait sûrement de tristesse devant mes actions avant de mourir de quoique ce soit d'autre.

« Monsieur Amaro, me dit le médecin une fois que je fus sorti de la chambre, votre mère est hors de danger pour le moment, mais je pense que vous savez autant que moi à quel point un fléau comme la grippe est dangereux pour elle. Il faut qu'elle soit plus attentive à sa santé, non seulement parce qu'une simple grippe pourrait provoquer le pire, mais également car le choc qu'elle a reçu à la tête aurait pu lui laisser une commotion cérébrale importante. Elle se fatigue inutilement, il faut impérativement qu'elle se repose.

- Je sais... je lui dis constamment. Mais elle est difficile à surveiller.

- Eh bien, si elle ne veut pas arriver à un stade critique, il faut qu'elle arrête de se surmener ainsi et qu'elle veille à ce que cela ne se reproduise plus. Si cette jeune fille ne l'avait pas trouvée si tôt, le pire aurait pu arriver... comprenez qu'elle a eu là une chance innée. »

Mon malaise s'accentua encore un peu plus lorsque Luna fut mentionnée.

Cette fille que j'essayais de duper, cette fille même que j'avais trompée avait sauvé ma mère.

« Monsieur Amaro... est-ce que les associations que je vous ai conseillé vous aident à payer le traitement pour votre mère ?

- Oui... mais... la somme qu'elles nous avancent n'est pas suffisante. Nous n'avons pas les moyens de payer la part restante. Même les checkings réguliers pour surveiller son état deviennent difficiles pour nous depuis que ma mère n'est plus apte à travailler.

Combien pèse l'amour ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant