Partie 10 - Vito

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Livres et surnom


La situation que j'avais sous les yeux me paraissait tellement irréaliste, presque comme si j'étais victime d'une blague de mauvais goût.

« Tu prendras bien du thé et quelques gâteaux, n'est-ce pas ?

- Oh non, ne vous dérangez pas pour moi, je...

- Pas de ça avec moi ! Ce serait impoli de ma part. Comment aimes-tu ton thé ? Sucré ?

- Ah... oui, avait-elle répondu en souriant timidement. Avec deux sucres.

- Je reviens tout de suite. »

Même après dix bonnes minutes à les regarder s'échanger des politesses et des banalités d'un air interloqué, assis sur l'une des chaises grinçantes de la table en bois du salon, les coudes sur le bord et le menton en appui sur mes main croisées, je n'étais pas parvenu à croire ce que j'avais sous les yeux.

Luna et ma mère.

Ma mère et Luna.

La seule chose qui ne m'échappait pas, c'était que chaque fois que le regard de Luna croisait le mien, elle me fixait avec insistance, sans ciller ni même cligner des yeux. J'avais cette impression pesante qu'elle pouvait me trancher la gorge d'un simple mouvement de la tête.

Lorsque ma mère s'était éclipsée dans la cuisine pour servir le goûter, j'avais dégluti de nouveau en réalisant qu'elle nous laissait en tête à tête.

Luna ne me lâchait pas du regard, et l'espace d'un instant, je me demandai même si je n'avais pas en face de moi une statue tant elle était impassible. Je pense qu'elle cherchait à me mettre mal à l'aise. Et ça marchait très bien. Lorsque ma mère revint avec un plateau de gâteaux au beurre et du thé à la menthe chaud, la brune cligna des yeux et eut un sourire qui n'avait rien d'amical à mon égard, avant de se tourner vers ma mère pour laquelle son visage se métamorphosa littéralement en une pluie de sourires polis et chaleureux.

Je savais que ma culpabilité envers elle jouait un grand rôle dans le fait que je peinais à soutenir son regard, mais elle avait quand même une présence imposante quand elle était en colère.

« Je peux vous aider ? proposa-t-elle à ma mère en la voyant disposer la vaisselle sur la table.

- Oh non non, tu es mon invitée ma chère Luna, contente-toi de te régaler. Tu verras, le thé est une merveille, il vient de l'épicerie où travaille Vito, leur menthe est superbement parfumée c'est un régal. »

En sirotant la tasse de thé que ma mère me servit et qui était effectivement un plaisir pour le palet, je ne pus m'empêcher de profiter du fait que la jeune présidente du BDE ne me regardait pas, trop occupée à discuter, pour l'observer un instant.

Elle s'était apprêtée pour venir chez nous. Pas autant que pour notre rendez-vous, mais elle sentait bon le parfum fruité à deux mètres, avait détaché ses longs cheveux bruns ondulés et elle portait des bijoux. Elle était mignonne, personne ne pouvait le nier.

Enfin, je me doutais que si j'avais l'audace de lui dire ça maintenant, elle me cracherait à la figure.

« Tu sais, je ne pense pas que tu réalises à quel point je te suis reconnaissante de m'être venue en aide l'autre jour, je te dois une fière chandelle.

- Je vous en prie, n'importe qui aurait pu être à ma place je n'ai réellement aucun mérite.

- Non, elle a raison. Merci... d'avoir sauvé ma mère. »

Combien pèse l'amour ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant