« Alors c'est ça, q'tu veux, hein ? Tu m'largues comme une pauvre merde ici, dans ce foutu parking désert sans âme et sans cœur ? ».
Excès d'ivresse colérique. Tes yeux étaient rouges des veines fines qui transperçaient ta pupille et ton iris. Tes paupières pouvaient pleurer du sang, poisseux et noir ; il glisse comme le torrent obscur du Styx jusqu'à ton cou.
La frénésie de tes insultes silencieuses, je les devinais entre tes lèvres serrées et tes osseuses phalanges blanches. « Désolé », voix étouffée de sanglots, mais ce fut inutile. Des mots lancés à la volée entre des pleurs de démone.
Toi tu riais, « t'es qu'une connasse, je te pardonnerai jamais ».
Et pourtant je l'étais. Sincèrement désolée. J'étais un désert de poussière brûlante, des langues de feu griffaient l'intérieur de mon âme.
Désolé parce que tu souffres, parce que je t'ai détruit la vie, l'avenir prochain. Désolé parce que j'le savais et j'm'en doutais.
Conne je suis ; conne d'avoir cru que j'allais passer outre et que toi aussi. Conne d'y avoir pensé aussi tôt et de l'avoir cru aussi tard. Mort prévue, j'avais le couteau ensanglanté entre mes doigts et j'le serrais fort contre mon cœur pour m'en empêcher.
Conne, totalement conne ; de t'avoir pris pour un idiot et d'avoir pensé qu'à ma gueule.
Tu t'es cassé dans la voiture et t'as disparu en claquant la portière ; ça m'est revenu, foudre soudaine qui m'a assaillie. Le souvenir de nos baisers, l'image de nos corps nus dans la nuit, couchés sur les banquette arrière de ta vieille Clio cabossée. Il y avait la musique et notre peau nue qui tremblait au rythme de notre toucher. La lumière tamisée de la lune faisait briller les pigments de ton sourire.
Je me souviens ; je me souviens encore parce que c'est avec toi que j'ai fumé mes premières clopes, entre tes bras, la tête contre ton torse chaud. J'regardais tes lèvres qui tenaient la tige du papier roulé plein de miettes de tabac, pendant dans le vide. Elles s'illuminaient d'une douce couleur fauve quand tu tirais une taffe. Ta silhouette esquissée dans l'épaisse fumée noire qui s'entassait là-dedans, et les vitres embuées nous cachaient de l'univers ; toi et moi, seuls et enivrés. Puis j'étais fière. De t'avoir ; de ton souffle contre mon cou, de tes mains sur mes seins nus.
« Je t'aime » tu me disais, et bordel, j'y arrivais pas, moi. Je ricanais, peut-être parce que j'avais rien d'autre à faire, ou que ton souffle du cœur nourrissait mon égo de diable. Je ricanais pour combler le vide auquel je laissais place. Je retournais au vertige de nos baisers, les mots s'effritaient, perdus dans la fumée de nos cigarettes brûlées.
Quand j'ai vu ta caisse disparaître derrière les maisons, je l'ai lâché. Ce « je t'aime » que tant tu attendais, s'est envolé d'entre mes lèvres en un moment de fébrilité de l'âme.
Putain, je me hais. Tout ce temps, j'ai fui le bonheur et voilà où ça m'a emmené.
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Le meurtre de Dionysos
Poezie" Je le fais pour toi " . Mais ça, il ne le comprend pas. L'ivresse l'a tué. Le meurtre de Dionysos est barbare et sanguinaire.