OS [orelsan]

passion

[REPOST]

Il est sur scène. Il donne tout ce qu'il a, il y met son coeur, ses tripes, sa passion, sa vie.
Il est en transe, en sueur, il a la chair de poule, sa respiration est très rapide, il est un peu déshydraté mais il s'en fout, il n'a pas fini de chanter, alors il ne s'arrête pas.
Les fans aussi sont à fond, ils sautent en rythme, les bras levés, chantant les mêmes paroles que leur idole sur scène.
Et toute l'équipe est en coulisses, ou sur scène, un peu en retrait, eux aussi ont travaillé dur, c'est un peu comme une deuxième famille.

Et moi, je suis là, entre les coulisses et la scène, entre l'ombre et la lumière, le noir et le blanc, le froid et le chaud. Et ça fait dix-sept ans que je suis dans cette position, je suis entre ceux qui idolâtre l'idole et l'idole qui est idolâtré.
Le concert est "fini", plus de chansons du moins, puis, il remercie tout le monde. Il me remercie moi, pour ne pas que je sois entièrement dans l'ombre, mais je ne monte pas sur scène pour ne pas être entièrement dans la lumière.

J'aime cet équilibre, et lui aussi, il avait l'impression de me préserver, ça me fait toujours rire quand il me dit ça.
Quand il retourne en coulisses, il pleure toujours. C'est la retombée de toutes ces émotions, il ne tremble mais ne lâche rien, jamais. Chaque fois, il change de tee-shirt et remet en ordre sa tignasse puis il sort prendre un bain de foule qui prend parfois plusieurs heures.

Il signe des bouts de papier, des fringues, des chaussures, des albums, il enlace, embrasse, sourit. Il prend des photos avec des petits, des grands, des jeunes, des vieux, des garçons, des filles, du plus grand fan à celui qui vient de découvrir, tous viennent écouter la mélodie de son cœur, tous viennent lui montrer leur amour et leur soutien.
Lui, il entre dans les esprits, dans les mémoires et dans les coeurs. Il écoute les encouragements, les paroles remplies d'amour et d'admiration, il répond avec autant d'enthousiasme et de passion, il les remercie chaleureusement.

Quand on rentre à l'hôtel ce soir là , il boude, comme à chaque fois, mais on le laisse, on sait qu'il passerait sa vie sur scène si il pouvait.
Quand c'est l'heure de manger, il retrouve la forme, ses deux verres de bière le remettent d'aplomb et ce soir là, il m'ébouriffe les cheveux dès qu'il en a l'occasion.
Le soir, on dort sur ces deux couchettes superposés, ça fait cinq ans que c'est le cas. Souvent il me raconte le concert comme si je n'y avais pas assister, mais je ne lui dis rien, je sais que ça lui fait plaisir, je vois les étoiles dans ses yeux et son sourire éblouissant. Je me contente de sourire et de rigoler de temps à autre, il sait que je l'écoute attentivement, et quand il termine son récit, il se redresse toujours en soupirant, glissant un petit "c'était bien" d'une voix émue.

Aujourd'hui encore n'échappe pas à la règle, il m'appelle pour que je vienne avec lui alors je viens poser ma tête sur son omoplate et passer mes mains sur son torse en l'entourant de mes bras.
-J'ai de la chance de t'avoir.
Je pouffe, il me sort tout le temps cette phrase.
-Pourquoi tu rigoles?
-Parce que tu me sors cette phrase quasiment tous les soirs.
-Parce que tu ne me crois pas. Regarde la moue que tu fais.
-Je te crois, ne t'en fais pas.
-Je continuerai à te le dire quand même.
Il se tourne vers moi et me prend tendrement dans ses bras. Il ne pourrait pas se passer de moi, et je ne pourrais pas me passer de lui non plus.
-Tu m'aimes?
- Bien sûr.
- Plus que tes fans?
- Bien plus que mes fans.
- Plus que tes groupies? Ne soupire pas! Une fois sur deux, tu passes sur une ou deux avant de rentrer!
-Déjà, premièrement, ça va faire des années que je ne fais plus ça, et tu le sais, et deuxièmement, je satisfais mes besoins naturels.
- Si j'étais ta copine, je te...
- Et qu'est-ce qui t'empêche de l'être?
-Euh...>>
J'ai pas su quoi répondre. Je n'y avais jamais songé.

C'est vrai que notre relation est très ambiguë, nous sommes toujours collés l'un a l'autre, il m'embrasse souvent la joue, je lui fait des câlins. Il est vrai que nous avons déjà couché ensemble quelques fois mais j'avais refusé de me mettre en couple avec lui parce que je connaissais sa réputation avec les femmes.
Cependant, j'ai toujours ressenti cette profonde attirance pour lui.

Et là, maintenant, en regardant son visage, j'avais l'impression de le voir il y a 4 ou 5 ans, en face de moi, assis sur un tabouret, accoudé au bar, me demandant si j'avais un copain, et moi qui lui ai répondu que, oui, j'en avais un. Pendant trois jours, il ne m'avait pas adressé la parole et quand j'avais ramené mon copain à une soirée, il avait daigné me parler, mais seulement pour me dire "la prochaine fois que tu ramènes le salaud qui te sert de petit ami, je lui défonce sa race".

En effet, deux jours plus tard, j'ai appris que le "salaud qui me servait de petit ami" m'avais trompé ce soir là avec une fausse blonde aux formes assez développées, et, cerise sur le gâteau, c'est lui qui m'a largué.
J'ai pleuré pendant des jours dans ses bras à lui et il avait accidentellement fini dans une bagarre.
J'avais soigné les phalanges en sang et les hématomes de mon "sauveur", et, pour le "remercier", j'ai posé mes lèvres sur les siennes, longtemps.

En ce moment, sur la couchette de ce bon vieux tour-bus, je comprends que c'est lui. Il était là dans les bons moment, mais plus que jamais dans les mauvais moments.
Il me regardait, mais cette fois-ci, ses yeux brillants de larmes regardaient ses mains qui trituraienr les draps. Je me suis avancée, épuisée et dépourvue de haut, j'ai posé ma main sur sa joue et nous nous sommes embrassés comme si nos vies en dépendaient.

À califourchon sur lui, je passe mes mains dans ses cheveux, lui pose ses mains sur mes hanches en me disant :
-Je t'aime putain.
-Moi aussi
-Ça fait des années que je t'aime
- J'ai mis des années à me rendre compte que moi aussi mais...
Il me fit taire en m'embrassant encore.
-Comment vont réagir les autres?, je demande.
-Sachant que la seule différence avec avant, c'est qu'on va s'embrasser devant eux, je pense que ça leur f'ra pas grand changement.
- Je préfère que ça soit officiel, j'étais perdue dans ma tête.
-Pour moi ça faisait longtemps que c'était clair, et c'est ça qui fait le plus mal...
- Je suis désolée.
- Ne t'excuse pas.
Il rigole légèrement, je me pose à côté de lui et le regarde s'allonger, je le rejoins en me blotissant contre lui, avant de nous endormir.

Il est sur scène. Encore. Il donne tout. Comme toujours. Le monde semble s'arrêter de tourner. Et, comme à chaque fois, après la dernière chanson, il remercie tout ses fans, son équipe et...
<<Et aujourd'hui, je voudrais vous présenter quelqu'un qui rend ma vie un peu plus belle chaque jour...>>
J'étais encore là, presque dans l'ombre.
Mais il est venu.
Et il m'a tiré vers la lumière.