[réécrit]
Les questions fusaient dans le grand salon, la joie et la bonne humeur étaient présentes. Les jumeaux avaient tant de temps à rattraper ensemble, tant de choses à se raconter... Leur complicité était restée intacte et ils n'en étaient que plus heureux. Cependant, il restait un sujet encore clos qu'Alexandre aurait aimé aborder avec sa sœur, seul à seule. Il avait ressenti sa souffrance, au fond de lui il savait que le calvaire que vivait autrefois sa sœur aux côtés de leur père ne s'était pas calmé depuis qu'elle avait quitté le foyer familial et il se haïssait autant qu'il détestait son père et son mari pour ce qu'ils lui faisaient subir.
En l'examinant de plus près, il ne remarquait aucune marque de coups pourtant il sentait que quelque chose n'allait pas. Son âme criait à l'aide et il espérait de tout cœur qu'elle pourrait rester auprès d'Arthur jusqu'à la fin de sa vie. Elle le méritait. Il savait au fond de lui qu'elle ne supporterait pas une année de plus avec son bourreau. Malgré son apparence, forte et souriante, elle allait mal.
Elle souriait. Elle riait malgré les nombreuses tâches qui lui recouvraient le corps et la faisait souffrir. Quand son frère s'approcha d'elle, la mine grave, elle comprit.
Il savait tout.
Il avait toujours su.
Un signe de tête lui suffit pour se lever et le suivre jusqu'à ce qui semblait être son bureau. Elle ne voulait pas aborder le sujet et tenta de le détourner.
- Vous êtes beaux ensemble. Juliette est parfaite pour toi.
Alexandre fronça les sourcils avant de comprendre et de sourire.
- Merci, mais certainement pas autant qu'Arthur et toi.
Elle se contenta d'hausser les épaules.
- Peut-être... mais nous ne sommes pas mariés et ne le serons assurément jamais.
- Il arrive parfois que les femmes vivent un second mariage, ce n'est pas si rare que cela.
Elle ne put s'empêcher de foudroyer son frère du regard, il ne connaissait rien du sort que la société réservait aux femmes. Elle, elle le savait.
- Je suis déjà mariée, et mon mari ne compte pas divorcer. Ce n'est d'ailleurs plus qu'une question de temps avant qu'il ne me retrouve et ne vienne me chercher.
Alexandre refusait de voir l'évidence, il voulait croire que sa sœur avait droit à sa part de bonheur, elle aussi.
- Tu pourrais t'enfuir avec Arthur, vous pourriez fonder votre famille loin d'ici.
Marguerite s'approcha de son frère et lui pris les mains. Elle l'aimait tant, mais il se montrait parfois bien trop naïf.
- Arthur a sa vie ici, ses terres et sa famille. Je ne l'obligerais jamais à quitter tout ce qu'il possède. De toute façon, quoi qu'il arrive, il me retrouvera. Cet homme est fou, il est capable du pire pour arriver à ses fins, je le connais maintenant. Je suis libre pour le moment et j'en profite mais je ne donne pas cher de ma peau lorsqu'il me retrouvera. Il sera très en colère et voudra sans doutes se venger. Mais c'est la vie, et je compte en profiter un maximum.
Il refusait de baisser les bras, il ne pouvait pas l'abandonner à ce triste sort. Alors il se contenta de la serrer dans ses bras, fort.
- C'est si douloureux. Ressentir ta souffrance et ne pouvoir rien faire pour y remédier. Ne serait-ce qu'hier soir encore... Je m'inquiète tellement pour toi. Si seulement Arthur avait été présent à ce bal, si seulement...
Elle se contenta de resserrer son étreinte autour de la taille de son jumeau, elle voulait le rassurer, lui promettre, si cela était possible, que tout irait bien.
- Que ressens-tu pour lui ?
-C'est un homme très agréable, doux et attentionné. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble quand mon mari était absent et je dois avouer qu'il me plait beaucoup.
-Il te plaît, seulement ?
Alexandre ne put s'empêcher de rire.
- Avec les regards que vous vous envoyez à longueur de temps, j'ai tendance à penser que vous vous aimé beaucoup. Et pas qu'en amitié, si tu vois ce que je veux dire.
Les joues de Marguerite prirent une teinte rosée qui n'était pas passée outre le regard de son frère. Cela ne fit que renforcer la pensée d'Alexandre. Arthur pourrait peut-être la sauver de cet enfer, tout n'était pas encore perdu. Il l'aimait, cela se voyait, tout son être la réclamait. Elle l'aimait également, alors comment ne pourraient-ils pas partir ensemble ? Comment ne pourrait-il pas sacrifier une part de sa vie pour sauver sa bien-aimée ?
A leur retour dans le grand salon, tout le monde échangeait avec entrain. Alexandre embrassa délicatement sa femme alors que sa sœur rejoignait son amant.
Ils étaient heureux, tous ensemble, loin du danger.
***
Un mois était passé depuis leur arrivée au manoir de Lacour et tout se passait pour le mieux. La joie et la bonne humeur de la maison était restée intacte. Arthur et Marguerite passaient le plus clair de leur temps ensemble, dans les jardins, les écuries, leurs appartements... Ils s'aimaient plus que tout et quand ils n'étaient pas ensemble, Marguerite se trouvait forcément avec son frère ou à la bibliothèque. Ils ne s'ennuyaient jamais et passaient leur temps à rire et à se prouver leur attachement. Tout était paisible.
Monsieur de Saxe quant à lui ne se préoccupait pas vraiment de sa femme. Il était parti depuis leur dernière dispute et s'était retiré chez une de ses nombreuses maitresses. Il se lassait rapidement et comptait quitter les lieux d'ici quelques jours pour retrouver une autre femme.
Il ne comptait pas revenir chez lui avant plusieurs mois, il n'avait rien de prévu et il ne voulait voir aucune marque sur le corps de sa femme quand il reviendrait, elle était laide avec toutes ses tâches. Il comptait donc voyager d'auberges en auberges et changerait de cheval dès que l'occasion se présenterait à lui, il se devait d'en avoir un de propre et de présentable, le contraire nuirait à son image.
Il voulait les plus beaux chevaux, les plus fiers et les plus robustes. Etre aux bras des plus belles femmes, avec les plus beaux habits.
Il avait faim, faim de pouvoir.
D'un pouvoir démesuré et hors de portée.
***
Sept mois.
Cela faisait plus de sept mois que Marguerite vivait avec joie auprès de son frère et de son amant.
Sept mois qu'elle se levait chaque matin avec le sourire, heureuse de se réveiller dans les bras d'Arthur et de retrouver Alexandre pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le diner. Elle était auprès de sa famille, de gens qu'elle aimait et qui l'aimait en retour. Pourtant ce matin, au réveil, ni les caresses, ni les baisers n'étaient arriver à bout du mauvais pressentiment qui la tiraillait.
Cela faisait quelques jours déjà qu'elle se réveillait l'estomac au bord des lèvres mais n'y avait pas porter cas. Cependant, ce matin, quelque chose la tracassait et elle n'arrivait pas à identifier les raisons de son mal-être. Sa tête et son ventre la faisait énormément souffrir, c'est pourquoi, quand son frère et Arthur lui proposèrent une sortie, elle refusa. Ils n'étaient pas au courant. Elle ne leur avait pas parlé de ses maux, ne voulant pas les inquiéter plus que nécessaire.
Mais quand au bout d'une heure seulement, quand elle entendit une voiture devant la maison, elle comprit que quelque chose n'allait pas. Et en arrivant face à la fenêtre, elle sut que tout était terminé.
Il était là, debout, droit et fier.
Son mari l'attendait devant la maison et elle sut que sa parenthèse de bonheur était terminée et elle était heureuse d'avoir pu profiter de ses derniers moments d'apaisement avec son frère, sa femme, Louise et l'homme qu'elle aimait.
Quand il frappa à la porte, le sourire au lèvre, elle le laissa entrer avant d'aller préparer ses affaires, sous son oeil attentif. Elle ne pourrait pas leur dire adieu, elle ne pourrait pas leur laisser de message ; mais elle avait au moins l'espoir qu'ils gardent en tête ces derniers moments de joie ensemble.
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Mlle. De Lacour
RomanceElle possédait l'intelligence, la grâce et la bonté d'une femme de son rang, à vingt et un ans, elle était munie d'un fort caractère et savait se défendre, ses paroles était parfois démesurées mais tout ses choix étaient accompagnés d'une mure réfle...