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"Fais-toi une faveur, Clarke, et reste loin de ce jeune homme..."

Les mots de ma mère résonnent dans mon esprit au moment où je referme la porte de mes appartements derrière moi et où mon regard croise celui d'Octavia. Puis, ils continuent de résonner quand j'arrive au bas du grand escalier et hésite à user des quelques minutes qu'il me reste pour aller m'enquérir de son état. Lorsque j'atteins la double porte de notre salle de banquet et que Roan me tend son bras pour y entrer, les mots se rappellent à moi une nouvelle fois.

"Fais-toi une faveur, Clarke, et reste loin de ce jeune homme..."

C'est un conseil, un avertissement, une menace. C'est bienveillant et en même temps acerbe. Tellement représentatif d'Abbigail Griffin que c'en est presque risible. La voix grave du Prince d'Azgeda interrompt le fil de mes pensées.

— Vous êtes ravissante, ce soir, Princesse.

La sincérité de sa voix me prend au dépourvu et je lève mon regard vers lui pour le dévisager, me semble-t-il pour la première fois. Ses cheveux châtains mi-longs retenus en arrière par une tresse compliquée. Ses yeux bleus, presque gris, pétillants d'intelligence. Sa mâchoire carrée, sa stature imposante. La façon dont il bouge, pleine d'assurance et de confiance. Cet homme est réellement impressionnant. Le charisme et l'autorité innée qui se dégagent de lui imposent un respect naturel et immédiat. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de lui le parfait Prince, le parfait héritier, le parfait Roi.

Dommage que je sois instinctivement encline à le mépriser.

Je m'oblige intérieurement à me calmer et respire profondément en entrant avec mon promis dans la salle de banquet. Celle-ci a été joliment décorée pour l'occasion. Des fleurs de saisons ont été accrochées ça et là, plusieurs couronnes d'entre elles agrémentent la longue table dressée en l'honneur de nos invités. Mon père et ma mère y sont déjà installés. Le Roi en bout de table, ma mère à sa droite. La chaise confortable installée face à mon père à l'autre bout de la table est sans aucun doute réservée à la Reine d'Azgeda, mais celle-ci n'a pas encore fait son entrée. 

Roan et moi nous approchons de mes parents et je lâche le bras du Prince pour déposer un baiser sur la joue de mon père. Ce n'est certainement pas très protocolaire, mais je suis si heureuse de le voir ici, assis avec nous, à table pour dîner, que je ne peux pas m'en empêcher. J'ignore depuis combien de temps nous n'avons pas eu le plaisir de sa compagnie. 

— Bonsoir, ma Princesse, murmure-t-il en me rendant mon baiser. Pourquoi ne t'installes-tu pas prêt de moi, ce soir ? 

Je fronce les sourcils. Encore une fois, ce n'est pas très protocolaire. Lors de dîners comme celui-ci, je prends normalement la place à côté de ma mère, mais je ne peux refuser alors qu'il m'a tant manquée. Roan tire la chaise afin de me laisser prendre place, puis la repousse afin que j'y sois confortable, tel le parfait gentleman qu'il est censé être. À son tour, il salue mon père et ma mère et tire la chaise à mes côtés. À nouveau, je suis surprise de ce geste. J'aurai pensé qu'il s'assiérait à la droite de la Reine. Je ne dis rien, mais le pli de mes lèvres doit me trahir car il se justifie tout bas : 

— Toutes les excuses sont bonnes pour mettre le plus de distance possible entre ma mère et moi.

Je fais la moue et murmure :

— Oui, je connais ce sentiment.

Bien que mes parents n'aient pu entendre aucun mot de la conversation, ma mère hausse un sourcil et demande :

— Tout va bien, ma chérie ? 

Je m'éclaircis la voix et répond :

— Oui, Mère, merci. 

L'amour est une faiblesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant