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Mon cœur saute un battement lors de la lecture de ce message. La demande de pardon est rare dans ces cas là, c'est un de ses défauts. Bien que je ne puisse lui en vouloir, depuis que ses parents l'ont jeté à la rue comme un malpropre, il a vraiment du mal à demander qu'on ne lui en veuille pas, ça paraît anodin, mais pas pour lui. Je le comprends tout à fait et ne le juge pas. Il a l'habitude de demander pardon pour des choses qui ne le concernent pas, dont il n'a aucun pouvoir. Depuis quelques mois, j'ai l'impression qu'il change comme s'il entretenait plusieurs facettes, dont plusieurs que je ne connais pas, alors que pourtant putain... J'arrive plus à le suivre, comme s'il ne voulait pas justement, que je le suive. Il sème quelques indices par ci par là sans réellement creuser le fond du problème. A vrai dire, je ne cherchais pas plus que ça à comprendre certes ça ne doit pas me concerner, mais malgré ce fait indéniable, ça m'agace et j'aimerai m'introduire dans son esprit quelques instants afin de savoir ce qu'il s'y passe, à présent j'ai un immense pressentiment, et ça m'incite cette fois à savoir, à m'y intéresser. On s'est toujours tout raconté, quand on était plus petits on avait notre lieu secret sous un pont, c'est là-bas que s'est construite notre amitié maintenant indestructible, enfin je l'espère... Non que j'en doute, mais depuis quelques temps je m'interroge.
Il est là, derrière moi, le souffle fort. Je sens son regard écrasant se poser sur ma personne, comparable à un poids lourd. Il décide de poser ses deux bras sur le sofa, j'ai beau ne pas le regarder je sais que sa mâchoire est contractée. La situation devient de plus en plus embarrassante bordel.
- Je peux jouer ?
L'homme assit à mes côtés qui était tantôt obnubilé par cet écran, qui se battait sous mes yeux avec un joueur pixelisé, daigne tout de même poser la manette à ma hauteur tout en m'interrogeant en silence, à croire que c'est la première fois qu'il me croise.
- Je suis Enzo, salut.
- Salut, Lucie, dis-je en lançant un timide sourire.
- C'est Mortal Kombat.
- J'ai cru deviner, j'y ai déjà joué malgré le fait que mes talents sur ce jeu ne soient pas très développés.
Il se met à rigoler sincèrement, ça me rassure enfin d'avoir quelqu'un avec qui m'amuser actuellement, car derrière mon dos on ne peut pas dire que c'est l'éclate.
Me voilà debout après 1h de jeu.
- Bon, j'ai sommeil, alors je vous souhaite une bonne nuit.
- De toute façon, je vais vous laisser. Ravie d'avoir fait ta pseudo connaissance demoiselle.
Je lui répond par un simple sourire. J'attends que les deux bonhommes se disent au revoir, en faisant un tcheck probablement inventé par leurs soins, honnêtement il est amusant. Mais comment font-ils pour s'en rappeler ? Il enfile ses chaussures qui se trouvent à l'entrée, ouvre la porte :
- Vous direz que j'embrasse sur ses petites fesses de furet Jones !
J'entends la porte claquée, j'en conclus que l'inconnu qui héberge qui Aaron, c'est Jones. J'attends mon allié dans le couloir en triturant les imperfections du mur cabossé, en le parcourant en long et en large. Où vais-je dormir étant donné que la pièce prévue pour les amis est occupée ? De plus, il n'est toujours pas revenu de son « excursion » des toilettes. Peut-être est-il allé dormir après mon intervention qui n'était pas des plus discrètes? Peut-être qu'il se sentait tout bêtement mal à l'aise et qu'il ne fallait pas que je cherche plus loin. Ma réflexion s'arrête là.
- Nous sommes tous les deux, ou presque, dit Aaron qui fait son apparition dans le couloir.
-Ça m'a l'air.
-Tu ne l'aurais pas vu, par hasard ?
Je comprends vite qu'il doit parler de ce fameux "Jones".
-Non, dis-je en aillant conscience de mon mensonge. Je ne l'ai pas vu.
-D'accord. Il est sûrement monter se pieuter, mais il n'a pas dit bonne nuit.
-C'est si grave que ça ?
-Rien n'est aussi grave que de t'annoncer que tu vas devoir dormir avec moi.
-Quelle... Annonce, en effet. Je suppose que je n'ai pas le choix ?Je réplique en mimant une moue triste.
-Tu peux également dormir sur le canapé, ou bien sur le paillasson si l'envie est tienne ! C'est pour ton magnifique dos, tu supposes donc bien, car je sais que ton envie n'est ni sur le canapé, ni sur le paillasson.
-Bon... Va pour ton lit alors. Je prends le côté prise de courant.
-T'es vraiment la pire, dit-il en levant les yeux au ciel.
On se dirige alors vers sa chambre, que l'on retrouve entre-ouverte. Il n'a pas l'air de s'en soucier plus que ça, soit. Je fais le tour de la pièce comme si je ne la connaissais pas, je ralentis à la vue une nouvelle fois du mur saturé de minis polaroids. Je m'arrête net en fixant une photo d'Aaron avec ses parents, un immense sentiment de chagrin m'envahit toute entière, mon cœur se serre. Ils ont l'air si heureux, mais comment-est-ce possible que cette famille si soudée fut un temps aie volé en éclat pour une absurdité ? Sa mère affiche un large sourire avec son cardigan rouge vif, son bras est posé sur l'épaule de son fils, quant à son père, il a un regard fier pour sa progéniture. C'était probablement durant son 15 ou 16 ème anniversaire, le repas se passait dans le jardin joliment décoré pour cette occasion. Qui aurait imaginé que quelques années plus tard, il se retrouverait seul, ou presque.
Ma vue commence à se troubler, Aaron vient alors poser sa tête sur la mienne, comme s'il savait que tout ça me rendait triste.
- Je suis si heureux de t'avoir dans ma vie, tu es la seule qui ne m'ait jamais abandonné. La seule.
- Je ne le ferai jamais. Je te le promets, Aaron.
Ses bras m'enlacent, putain mais c'est à moi de le faire, il a tout perdu, et c'est moi qu'il console? Je n'oserais jamais lui dire à quel point j'envie son courage.
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