Chapitre 10

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Je dois dire qu'étant informée de la tournure que prirent les choses ensuite, la situation était particulièrement amusante. Nous attendions le taxi au bout de ma rue, Driss et moi, main dans la main. La chaleur de sa paume qui se frottait régulièrement contre le dos de ma main était assez érotique. Ce simple mouvement, pourtant régulier et prévisible, monopolisa mon intérêt durant tout le temps où nous étions au bord de la route.

J'avais acheté une valise roulante Bric's en cuir couleur chair et des banderoles cuir marron vintage, un sac à main en cuir blanc avec le logo Gucci doré bien visible, ainsi que des lanières intérieur cuir marron, pour rappeler ma valise. C'est vrai, j'y avais passé toutes mes économies, mais le résultat global était assez impressionnant. Je portais mon manteau long bleu marine avec mon pull à col roulé noir, mon jean noir levis qui me faisait une allure très élégante malgré mes formes assez rebondies et ma ceinture noire avec le logo Gucci or dont je ne me lassais jamais. J'avais l'air d'une vraie femme d'affaire. En même temps, j'y vais pas pour enfiler des perles.

Driss, quant à lui, s'était contenté d'une chemise noire, de son manteau long gris habituel et d'un pantalon marron. Son sac était un sac de voyage bleu marine avec des lanières cuir marron clair, pour rappeler le bas. Il portait son bagage sur une épaule, un peu comme un sac de sport. C'est dingue, quasiment sans faire d'efforts, il ressemble à un vrai businessman londonien. Serais-je en train de tomber amoureuse ?

Le taxi arriva à 19 heures précises, comme indiqué dans mon mail. Le chauffeur vint nous ouvrir les portes et les referma derrière nous, comme des clients de prestige. Gênés par le si grand égard qu'il nous portait, nous restâmes silencieux durant tout le trajet, d'une vingtaine de minutes environ.

La gare de Toulouse était pleine à craquer ce vendredi soir. En sortant du taxi, les nerfs me montaient déjà, avant d'être abordés immédiatement par notre fameux ambassadeur.

- Bonjour, je suis Christophe ! Alors vous êtes madame Blasco et monsieur Lazaar, c'est bien ça ?

- Oui c'est bien ça, m'employai-je à répondre avec le ton le plus aimable possible.

-Alors je vous prie de me suivre.

Christophe était un petit homme assez trapu avec des cheveux grisonnants et un nez violacé, le tout enveloppé dans un costard à 500 balles. Le genre quinquagénaire endimanché bien porté sur la bouteille.

Nous passâmes les contrôles de billet (que Christophe avait), le contrôle d'identité et de métaux en une petite demie heure. Notre ambassadeur tentait grossièrement de nous faire passer le temps avec des réflexions bénignes sur l'aéroport, son aménagement, les gens qu'on y croise... Et nous lui posions des questions sur son travail pareillement inintéressantes.

Arrivés sur l'aire d'embarquement, nous passâmes en priorité. Surprise ! La société londonienne nous avait pris des billets première classe chez Air France ! Ne pouvant jouer plus longtemps aux enfants de familles très fortunées et arborant notre étonnement, Christophe nous sourit, penchant entre satisfaction et petite moquerie.

- Pour un couple aussi assorti et élégant que vous, il faut bien ça !

C'est gentil ça Cricri. En marchant dans le pont d'embarquement avec les autres première classe pour accéder à l'avion, il enchaîna sur sa lancée.

- Vous voyez, moi j'ai plutôt l'habitude des gros dégarnis. Ca me fait du bien.

S'ensuivit son rire gras assez dérangeant. Driss et moi nous envoyions des regards discrets en permanence, nous étions très complices.

L'intérieur de la cabine de la première classe était très beau, tout blanc. Habitué, notre ambassadeur trouva vite nos places , 2 canapés blancs formant en tout 4 sièges disposés en carré, comme pour une réunion d'affaires dans les airs, le tout sur un tapis gris. Un compartiment blanc lumineux avec des magazines était installé à droite. Nous insistâmes pour ranger nous-même nos affaires, ce qui ne sembla pas déplaire à Cricri, proposant cela juste pour la forme, manifestement. Une fois assis et attachés, il prit un ton plus sérieux. Pas très crédible mon vieux.

- Alors, pour faire gagner du temps au patron vu que vous êtes français, je suis chargé de vous expliquer le contrat ici, il n'y aura pas de difficultés de traduction là-bas comme ça. Vous avez pas de chance d'être français, j'peux vous dire que c'est une belle nana celle pour l'Espagne, mais c'est comme ça, c'est moi l'interprète français-anglais. Mais bon, j'suis pas snobinard et j'vous propose de régler ça vite fait et après on boit un coup offert par la maison, ça vous dit ?

T'es au courant qu'on parle couramment anglais le rougeot ?

- Oui pas de problème, répondis-je instinctivement, sans vraiment réfléchir à ce qu'il avait demandé alors que Driss, lui, arborait un sourire légèrement moqueur.

Il tourna sa tête uniquement vers moi.

- Bon alors, en gros, le contrat qu'ils vont te proposer c'est de publier et de commercialiser ta musique sous leur enseigne. Ils te donneront, a priori, 2500 euros d'acompte et environ 15 % des bénéfices faits avec ta chanson, c'est pas grand chose mais tu es débutante et tu es une cliente qui n'a pas encore une notoriété à proprement parler, juste une talentueuse vocaliste repérée, française qui plus est. Ils vont aussi te rénumérer pour le tournage du clip avec toi qui devrait être fait ce week-end, à peu près 900 euros pour 5 heures en tout je crois. Et en contre partie du cadeau que tu leur fais, ils s'engagent si jamais ta chanson marche bien à te faire la proposition de signer un album. Rassure-toi, ils sont obligés de montrer ton nom partout dans le cadre de la publication de la chanson. Ils t'organiseront aussi toutes les interviews et la gnognote si jamais il y a des propositions et ils en feront la recherche, toute interview et apparition de ta part, c'est de la pub pour ta chanson et donc plus d'oseille pour eux. T'as compris, Cash Records va être ton big brother, indispensable, mais le hic c'est qu'à mon avis tu aura pas ton mot à dire au début. Mais bon tu verra, l'avantage avec les grosses sociétés, c'est qu'on se la prend mais avec de la pommade, votre visite romantique de Londres va être géniale si tu vois ce que je veux dire.

Il nous regardait désormais tous les deux, avec un sourire jusqu'aux oreilles. Au mois il est honnête le jojo.

- Même si je suis pas sûr que tu aies le droit d'être aussi franc, c'est gentil de ta part. Personnellement, je sais à peine pourquoi je vais là-bas, alors les bénéfices de ma chanson à venir ça me dépasse. C'est tout bon !

L'avion décolla au même moment. Alors que Driss et moi avions nos têtes collés sur le siège et le regard fixé sur le hublot, pour vérifier que tout se passait bien, Christophe continuait de déblatérer ses commodités procédurières.

Le trajet d'un peu plus d'une heure passa finalement plutôt vite en compagnie d'un ambassadeur de plus en plus alcoolisé qui nous racontait des anecdotes marrantes sur ses clients. Alors que Driss ne but rien, j'optai pour une coupette de champagne. C'était jour de fête après tout, et puis, j'adorais quand on me passait la pommade !

 C'était jour de fête après tout, et puis, j'adorais quand on me passait la pommade !

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Dans la peau d'une divaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant