— T'es bon acteur tu sais.
— On me le dit souvent, je sais, réplique-t-il en riant. Ma tête rebondit contre son torse. Mais là, c'est pas une blague. Je voulais juste te le dire, t'es pas obligée de répondre.Intérieurement je soupire de reconnaissance. Ce qu'il vient de faire, c'est une attaque surprise, et je déteste les surprises. Surtout lorsque ça me concerne. À vrai dire, j'ai horreur d'être le centre d'attention. Quand ça arrive, je parle toujours trop vite, et je sais jamais qui regarder.
Je dois avoir l'air d'une abrutie à fixer un coup le plafond, puis quelqu'un, puis la table ou mes mains, et revenir finalement à la personne. Là, on se regarde pas, et ça m'arrange. Et ça m'arrange d'autant plus qu'il ne souhaite pas de réponse. Parce que je n'ai aucune idée de quoi répondre.
Du coup, je laisse les secondes défiler. Je le sens bouger, et je me doute bien que mon manque de parole le rend nerveux. D'habitude, j'ai toujours une bonne réplique à sortir et qui me fait rire. Mais là, je sèche. En plus, je sais que c'est pas le moment.
— Tu vas vraiment pas répondre ?
— Je sais pas quoi dire, tu me prends par surprise, je râle en essayant de me défaire de son étreinte. Mais il ressert ses bras, et ma joue s'écrase un peu plus contre son pectoral gauche. J'ai déjà des grosses joues, alors j'imagine même pas la tête que je dois avoir en ce moment.— Bah dis moi la vérité.
— Même si ça fait mal ?
— Même si ça fait mal.
— Désolée mais j'aime pas faire mal pour de vrai.
— Ce que tu viens de dire vient de me faire du mal.
— On a utilisé combien de fois le mot mal sérieusement ?
— Trop, fait-il en s'esclaffant.— Pour être honnête, je sais absolument pas quoi dire, ou comment réagir. J'ai jamais pensé à toi de cette façon. J'ai jamais vraiment pensé à toi tout court, je dis en souriant. Même si il ne voit pas mon sourire ironique.
Il me relâche et s'assied dos à moi. Il fait mine d'être vexer, et j'ai du mal à retenir un rire.
— On dirait un gamin, tu me fais penser à une certaine personne qui boude. Et cette personne a six ans. Grandis un peu, je fais en ébouriffant ses cheveux.
Il se tourne vers moi, et son sourire triste me pince le coeur. Alerte rouge. C'était beaucoup trop mignon, et c'est dur de résister. Et au moment où il lève les yeux vers moi, je sais déjà que je vais dire une bêtise. Et merde.
— Après, j'ai jamais dit que je t'aimais pas un peu. Si tu tentes rien, tu pourras pas savoir.
Je veux m'arracher la langue. Mais qu'est ce qu'il m'a prit ! Je me retiens de me lever pour aller me fracasser la tête contre le premier arbre venu. Je me désespère. J'ai l'impression de ne plus avoir de cerveau.
— Bordel de merde...
— Quoi ?
— Hein ? Non rien.
— Je t'ai entendu O'. Et merci.
— Oui enfin essaye rien maintenant. Sinon je te tacle, je te pique ta moto et je pars sans toi.
— T'as jamais conduit de moto...
— C'est qu'un détail. Puis t'as un accélérateur, un frein, un embrayage, c'est pas la mort.
— Toi sur une moto ? Si, c'est la mort.Je pouffe, et je lui donne un coup de poing minable. Mais c'est vrai. Le seul truc à deux roues que j'ai conduit par moi même, c'est un vélo. Et la dernière fois que je suis montée dessus, j'ai fait un soleil et je me suis ouvert la tête*. Le boulet sur vélo. Je déteste le vélo. Mais la moto, c'est pas pareil. Déjà c'est stylé. Puis t'as pas besoin de pédaler comme un forcené pour avancer, juste à bouger ta main.
— On fait quoi ? je demande tout à coup. J'en ai marre de penser au vélo, en plus j'aime pas ça.
— Je sais pas.Il regarde sa montre.
— Il est dix-neuf cinquante-deux.
— Il fait froid. J'aime pas l'hiver, c'est déprimant quand il fait nuit alors que tu dois aller en cours. Et quand t'as même pas manger ton repas du soir. Je m'allonge sur l'herbe, ou plutôt je me laisse tomber sur le dos et je cris : Je veux être en été ! Et manger des barbec' sur la terrasse !— Tu veux qu'on aille manger ?
— C'est si gentiment demandé...
— C'était qu'une proposition simple. J'ai même pas dit s'il te plait ou quoi de ce soit du style...
— Oui mais tu as parlé directement avec mon ventre. Et il dit oui.Au même moment, je le sens gargouiller. J'ai l'estomac vide, et je meurs de faim. J'ai l'air si glamour et féminine comme ça...
Kai se lève, et il s'avance vers moi. Il me tend la main, et en une seconde, je me retrouve sur mes pieds. Rapide.— Allons-y.
Let's go... Je me retiens de chanter la suite de cette horrible chanson. Putain, je vais l'avoir dans la tête. Je le hais.
On remonte sur la moto, je remet mon casque, et j'enroule mes bras autour de son ventre. Je suis clairement mal à l'aise, mais je vais faire comme si de rien n'était. Ça vaut mieux pour nous deux. Il démarre, et le vent refroidit rapidement mes vêtements. Je meurs de froid, j'ai l'impression d'être un glaçon.
Les minutes défilent avec les voitures que l'on dépasse, et bientôt, il s'arrête dans une rue qui abrite de nombreux magasins. Il gare son véhicule, et je le suis jusque... au McDonald's.— C'est si chic... je rigole.
— Tu m'as dit de rien tenter ce soir. Je réserve le resto' trois étoiles pour plus tard !
— C'est une blague j'espère ?
— Oui.
— Crétin...Il sourit de toute ses dents, et une rafale de vents fait virevolter mes cheveux dans son visage.
— Ah !
Il crit, et moi je ris. Je ne vois rien, j'ai mes cheveux dans les yeux.
— J'ai d'la pomme dans la bouche...
— Mais c'est dégueu !
— C'est juste des cheveux, ça va...
— Des cheveux avec de la bave. Génial.J'attrape les mèches rebelles de la main gauche, et d'un geste expert, je passe l'élastique de mon poignet droit autour de mes cheveux. En deux temps trois mouvements, je me retrouve avec un chignon mal foutu et la tête de Kai qui semble agoniser.
— J'ai un truc dans l'oeil !
Mais il a quel âge sérieux... Il pleure même. Il s'est pas prit un moustique, c'est pas la saison. Je lui ordonne de se baisser pour que je regarde ce qui a bien pu venir le gêner autant. Je ne réagis pas tout de suite lorsque je sens ses lèvres sur les miennes. Je ne réagis même pas quand ma main s'écrase sur sa joue. Et je ne réagis que lorsque je m'éloigne en le traitant de crétin.
Enfin, j'aurais pu lui mettre un coup de boule et lui casser le nez. Il a de la chance de seulement se retrouver avec la marque de ma paume sur le visage. Je crois. J'ai fait du hand alors j'ai peut-être trop de force pour qualifier ça de petite gifle. Oh et puis merde, c'est de sa faute. J'étais pas prête.
*L'expérience qui parle lol
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LIKE CHILDREN [Terminé]
Fiksi RemajaOn était comme des enfants. Mais de grands enfants ! L'histoire courte de deux abrutis. ◎ Montage couverture sur Canva ◎ «Merci de ne pas plagier, ça sort de ma tête, pas de la vôtre.»