𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟖

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Il était tard. J'avais déjà dîné. J'attendais le retour de Jungkook. J'avais cru le retrouver affamé. J'avais tout prévu. Mais quand il sonna à ma porte, ce fut à une lourde fatigue que je fus confronté.

Un sac à la main, Jungkook m'accorda un sourire que j'aurais décri de simplement poli, avant qu'il ne se précipitât près du canapé. Il laissa tomber ses affaires au sol, il s'allongea lourdement et ne bougea plus, inerte.

— Tu as mangé ? m'enquis-je tout de même.

— Non.

— Tu ne devrais pas dormir le ventre vide.

— Je n'ai pas faim, Yoongi.

— D'accord, soufflai-je, un brin agacé.

J'avais seulement pensé qu'il avait eu une dure journée et qu'un repas chaud le réconforterait. Ce n'était pas anodin de rentrer à une heure pareille. Ce n'était pas comme s'il s'était octroyé quelques amusements à l'extérieur. J'étais plutôt sûr qu'il n'avait pas pris une pause déjeuner. Quand bien même, je n'avais pas insisté.

Je partis à la salle de bain pour me préparer à aller me coucher. Je pensais Jungkook assez sensé pour qu'il se servît dans les placards s'il avait besoin de quoi que ce soit.

Après une bonne douche, je traversai la cuisine, puis le salon, avec l'intention de rejoindre ma chambre, mais c'est alors que je découvris les raisons pour lesquelles Jungkook avait tant souhaité m'écarter. Il sanglotait, le visage au bord du vide, son corps recroquevillé sur lui-même.

— Jungkook ? Que se passe-t-il ?

— Rien, renifla-t-il. Ne t'occupe pas de moi.

— Tu as bu ?

— Non.

— La voie est libre, donc.

Il rit malgré un profond chagrin. Ainsi, je m'approchai de lui. Je m'accroupis devant lui et découvris son visage larmoyant.

— J'aurais préféré que tu ne me voies pas dans cet état, me confia-t-il.

Jungkook s'essuya le visage, confus.

— Je sais ce que tu ressens, le rassurai-je. Mais il n'y a pas de mal à se laisser aller de temps en temps. Que je te voie ou non, cela n'a aucune importance.

Ses soubresauts avaient fini par cesser. Nos voix étaient calmes. Si calmes que nos oreilles pussent entendre très clairement chaque petit bruit causé par l'électroménager, ou encore par mes voisins.

Jungkook avait des choses à me dire. Je m'étais adossé à la table du salon et me tenais prêt à l'écouter attentivement.

— Et si tu me racontais ce qui se passe ? l'incitai-je. 

— Après le travail, je suis retourné à la maison, narra-t-il. C'était peut-être un peu tôt pour ça, mais j'ai voulu retrouver ma femme. J'aurais aimé revenir sur notre dernière discussion. Sauf qu'elle n'était pas là et ma fille non plus. Elle a dû se rendre chez ses parents. Alors, j'ai pris quelques-unes de mes affaires et je suis parti. Je... En vérité, il ne s'est absolument rien passé. Mais j'ai pensé à tous les problèmes que j'ai pu causer. J'ai imaginé la difficulté de l'épreuve que je faisais subir à ma famille. Je... J'ai peur de ce que ses parents vont penser s'ils finissaient par comprendre. Et j'ai peur aussi qu'ils avertissent les miens. Ils essaieront probablement de tirer l'affaire au clair et mes parents seront tout à fait dépourvus, et tout cela finira par me retomber dessus. Je voulais seulement voir ma fille, tu comprends ? Et résultat des courses, je n'ai fait que voir la réalité en face. Et elle est dure cette réalité.

— Je sais, chuchotai-je.

Jungkook avait son visage niché dans ses paumes et ses larmes ne s'arrêtaient plus de couler. Le cœur serré, j'avais tenté de m'approcher encore. Je lui caressai l'épaule, puis quand ses pupilles luisantes ne se trouvaient plus dissimulées derrière la longueur de ses doigts, je pris sa main dans la mienne.

— Je sais que ta fille te manque, et tu dois beaucoup lui manquer aussi.

— Elle doit croire que je l'ai abandonnée, que je ne l'aime plus, ou que sais-je encore ! s'exclama-t-il. Je ne sais plus ce que je dois faire, Yoongi. Je me sens perdu.

— Je ne suis qu'un piètre conseiller en la matière, confessai-je. Je ne suis jamais passé par ce que tu es en train de vivre en ce moment, mais les histoires d'amour foireuses, j'en ai connu des tas ! Tu peux me croire. Dans ces cas-là, je crois que le mieux serait d'appeler ta femme. Convenez d'un rendez-vous, d'un endroit, quelque part où vous pourriez discuter de tout ça plus calmement et sans que votre fille n'ait à y assister. Il faut pouvoir vous mettre d'accord sur une nouvelle méthode de fonctionnement. Un train de vie qui vous conviendrait à tous les deux. Je n'insinue pas que tu dois divorcer, mais si c'est ce que vous souhaitez tous les deux, peut-être qu'il serait temps de laisser place à un quotidien qui vous correspond vraiment.

— Tu as sans doute raison.

— Allez, murmurai-je en essuyant ses joues du dos de la main. Sèche tes larmes et appelle-la.

— Et si elle ne répond pas ?

— Insiste. Il doit bien y avoir une chance qu'elle ne dorme pas encore avec tous les soucis qu'elle doit se faire. Sinon, laisse-lui un message. Elle devrait te rappeler, tu ne crois pas ?

— Oui, sûrement.

Décidé, je me relevai. Je comptais m'éclipser pour le laisser en toute intimité, mais je devais m'assurer qu'il tiendrait le coup.

— Tu crois que ça ira ?

— Oui, ça va aller.

— Je peux te laisser seul ?

— Oui.

— À moins que tu ne préfères que je reste à côté de toi.

— Non, ne t'en fais pas. Je gère la situation.

— D'accord. Alors, je te souhaite bon courage.

Jungkook acquiesça et s'empara de son téléphone portable. Pendant qu'il passait son coup de fil, je m'étais rendu à l'espace bibliothèque. L'appel avait duré. Je n'aurais pu estimer s'il s'agissait d'un bon ou d'un mauvais présage. Sa voix avait résonné entre les murs, grave mais sereine.

Quand le silence revint, je m'étais hasardé dans le salon. Jungkook venait tout juste de raccrocher.

— Comment ça s'est passé ?

Jungkook, en m'entendant me rapprocher, s'était tourné vers moi. Il se tenait assis sur le canapé, fier et le sourire aux lèvres.

— J'ai rendez-vous avec elle demain dans l'après-midi. Nous irons dans un café. Elle aussi est plutôt d'avis à ce que nous réglions ça entre nous. Il s'agit de notre décision à nous. Nous ne voulons pas impliquer nos parents là-dedans.

— Tant mieux, dis-je soulagé. Mais dis-moi, tu sembles ravi par quelque chose. Tu ne te réjouis tout de même pas de retrouver ta femme, si ?

— Jieun, me rectifia-t-il. Non, évidemment, ce n'est pas ça qui me met en joie. Ça se saurait ! C'est juste que... Elle a réveillé ma fille pour que je puisse lui souhaiter bonne nuit. J'ai pu la rassurer et je crois qu'elle ne m'en veut pas trop d'être parti.

— Je suis content pour toi. Je me doutais bien que la chance allait se tourner en ta faveur. La situation avance.

— Oui, m'accorda-t-il. Cela dit, il faudra un moment pour que tout soit finalement réglé.

— Tu peux rester aussi longtemps qu'il le faudra.

— Je te revaudrai ça.

— On en rediscutera s'il le faut.

𝐥𝐨𝐬𝐭 𝑠𝑢𝑘𝑜𝑜𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant