𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟗

411 42 2
                                    

Comme convenu, Jungkook était allé voir sa femme. Il avait suivi mes conseils. Ils s'étaient retrouvés dans un café où ils avaient pu discuter calmement de la situation.

Le soir, Jungkook était rentré tôt. Il avait les traits du visage détendus. Il m'avait invité à boire un verre dehors, à la fois pour me remercier de l'héberger, mais aussi pour me raconter son après-midi.

Au lieu d'être accoudé à un bar à flirter avec des hommes, nous avions trouvé une place à une table dans un coin de la salle, là où personne ne viendrait nous déranger. Nous avions chacun commandé une bière. Les bulles frémissaient sur sa langue, tandis qu'un tas de questions me brûlait les lèvres.

— Alors ? demandai-je.

— Eh bien, soupira-t-il, je crois pouvoir affirmer que ça s'est plutôt bien passé.

— Tu as un sourire béat collé au visage, lui fis-je remarquer. Ça te donne l'air idiot.

Il se mit à rire doucement.

—  Je suis allé voir ma fille, m'expliqua-t-il. Après avoir discuté pendant plus de trois heures, Jieun m'a proposé d'aller la chercher à l'école avec elle. Je l'ai aidée à faire ses devoirs. On a joué un peu tous les deux. Et je suis parti quand sa mère l'a appelée à venir à table.

— Ça t'a fait du bien, j'imagine.

— Oui ! Beaucoup de bien.

— Tant mieux. Je suis content pour toi.

— Si j'avais su, j'aurais fait ce que tu m'as conseillé de faire depuis longtemps.

— De quoi tu veux parler ?

— Mon absence était pesante pour nous trois. À force de vouloir fuir la maison, à me noyer dans le travail et les soirées arrosées, j'en ai oublié le plus important. Ma fille a tellement grandi en si peu de temps, et je regrette de ne pas avoir été témoin de ça. J'espère pouvoir me rattraper.

— Et Jieun, qu'est-ce qu'elle dit de tout ça ?

Jungkook lâcha un long soupir.

— Je n'aurais jamais cru ça d'elle, mais cela fait très longtemps qu'elle n'espère plus rien de moi.

— Elle a cessé de t'aimer ?

— Je n'en suis pas sûr. Ou tout du moins, elle est encore amoureuse du garçon que j'étais. Si nous avons continué ainsi, c'était pour assurer à notre fille la vie qu'elle mérite de vivre. Nous avions tous les deux pensé secrètement pouvoir surmonter tout ça jusqu'à ce qu'elle soit en âge de comprendre. Mais finalement, c'était plutôt à nous de nous décider à affronter les choses. Je ne crois pas Jieun capable de me pardonner ce que je lui ai fait. Cela dit, nous arriverons sans doute à trouver un terrain sur lequel nous entendre.

— Donc, vous avez pris la décision de vous séparer si je comprends bien.

— C'est encore un peu tôt pour le dire, mais il est vrai que nous allons sans doute envisager un divorce dans les mois qui suivront.

— C'est elle qui l'a proposé ?

— Non. C'est moi. Ça lui a fait un choc, pour sûr, mais au moins, on a pu s'accorder sur le fait qu'il s'agît là de la dernière chose qu'il nous reste à faire. Le plus difficile sera d'annoncer la nouvelle à nos proches. Et pour elle, d'accepter notre séparation.

— Je m'en doute. Mais c'est probablement ce qu'il y a de mieux pour vous.

Jungkook acquiesça. Après avoir bu notre bière, nous étions retournés chez moi.

Dans les jours qui suivirent, il y eut plusieurs changements. Jungkook avait ramené toutes ses affaires chez moi. Nous nous étions mis d'accord sur le montant d'un loyer pour soulager sa conscience, et enfin, il s'était installé dans le salon en attendant de trouver un appartement dans lequel il emménagerait et commencerait une nouvelle vie.

Jungkook et sa femme avaient parlé à leur fille qui, bien qu'attristée par la nouvelle, avait fini par comprendre que ses parents ne s'aimaient plus et vivraient bien plus heureux, loin l'un de l'autre.

Jungkook lui rendait souvent visite. Au moins trois fois par semaine. Je lui avais assuré qu'il pouvait l'amener chez moi de temps en temps, mais Jungkook ne se l'était jamais permis, peut-être parce qu'elle ne comprendrait pas. Ou bien parce qu'il avait honte.

Lui et Jieun avaient entamé les premières démarches. Il fut venu le temps de mettre leurs parents au courant. Ces derniers s'étaient retrouvés bien impuissants face à cette décision qu'ils avaient prise ensemble et sur laquelle ils ne reviendraient pas. Ils s'étaient montrés plutôt fermes. La pilule avait été difficile à avaler, mais finalement, ils s'étaient tous pliés au choix de leurs enfants.

Cela faisait quelques moins désormais que Jungkook habitait chez moi. J'avais bien cru que la cohabitation finirait par déranger l'un ou l'autre. Que ce soit lui qui rentrait parfois à plus de trois heures du matin, ou bien moi qui passais du bon temps avec l'une de mes aventures qu'il m'arrivait de ramener à la maison. On tolérait nos quotidiens. On se rendait parfois service.

Il arrivait qu'on sortît un peu, qu'on allât se balader, boire un verre. Il me racontait l'avancement des choses. Je l'écoutais toujours patiemment, bien que je me demandais secrètement comment il envisagerait la suite.

Un soir, nous étions rentrés du bar où nous avions partagé l'un de ces moments que l'on se réservait parfois. Nous nous étions assis sur son lit pour y continuer notre conversation. Et c'est alors que ma curiosité alla troubler son intimité.

— Dis, maintenant que tu es séparé de ta femme, tu comptes entamer une relation avec un homme ou bien, tu comptes t'amuser un peu ?

— Je ne suis pas encore divorcé, me rectifia-t-il.

Je m'étais montré tatillon, mais lui, semblait outrageusement déçu par quelque chose. Peut-être que la question l'avait simplement incommodé, ou peut-être qu'il n'y avait pas encore réfléchi.

— C'est quoi qui te rebute ?

— Je ne sais pas, marmonna-t-il. Je ne crois pas vraiment avoir la tête à ça. Et c'est-à-dire que je n'aurais jamais cru pouvoir envisager un jour vivre avec un homme, le présenter à mes parents, à ma fille. Je ne suis pas certain que cela fonctionnerait.

— Tu comptes rester célibataire ?

— Je n'en sais rien.

Jungkook avait les yeux dans le vide. C'était comme si je venais de lui faire réaliser quelque chose dont il n'avait jamais cru pouvoir songer. C'est alors que je me rendis compte que je m'étais sûrement un peu trop avancé.

— Excuse-moi, dis-je. Je ne voulais pas te perturber. Tu fais ce que tu veux. C'est juste que les choses semblent s'arranger pour toi. J'ai pensé, sans doute à tort, que cela aurait été propice pour envisager une relation. Mais chaque chose en son temps, pas vrai ?

— Oui, rit-il nerveusement.

Son attitude venait de changer. Dans ses yeux, je lisais comme un espoir perdu auquel il aurait aimé s'accrocher encore longtemps. Un jour, il devra quitter mon appartement. Que fera-t-il quand cela arrivera ? Qu'adviendra-t-il ?

𝐥𝐨𝐬𝐭 𝑠𝑢𝑘𝑜𝑜𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant