Chapitre 2: Libre

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             Élie était heureux. Il savait que c'était mal mais il était heureux! (Il était libre) Il avait dû tout de même avouer qu'il avait été très surpris en voyant le cadavre. Pas écoeuré, triste ou choqué, non, juste "surpris". (Mais malgré tout, il se sentait comme si quelqu'un était en train de serrer son coeur jusqu'à ce qu'il explose. Se sentait-il...coupable? Coupable d'être heureux?). Il était resté planté là sans rien faire, observant l'ombre qui se tenait à présent entre le cadavre et lui.

C'était une grande personne...au sens littéral; son corps était celui d'un homme, long et sec comme un bâton, mais son visage était celui d'un enfant d'à peu près une dizaine d'année. Il avait la tête entièrement chauve et ses yeux ressemblait à deux balles de golfs qu'on aurait enfoncées dans son crâne. Le plus marquant chez lui, c'était son sourire. Ce sourire qui s'étirait comme un élastique, ce sourire étrange, presque forcé, ce sourire qui, pour une raison ou pour une autre, aurait donné envie à n'importe qui de fuir en courant.

N'importe qui sauf Élie. Il n'était pas effrayé par cette chose qui venait de magiquement apparaître devant lui. À vrai dire il aimait son sourire et son apparence monstrueuse. Elle avait quelque chose de familier et de rassurant ;

(dans un sens, elle lui rappelait un peu la sienne.)

Élie était un enfant après tout, et les enfants pouvaient se montrer étranges parfois.

Il se contenta juste de pencher la tête sur un coté en fronçant les sourcils et de sortir un simple:

"Qui êtes-vous?"

La chose répondit avec une voix à la fois grave et masculine, à la fois douce et féminine. En fait, c'était comme si un millier de personnes parlaient en même temps, mais qu'on arrivait à discerner la voix de chacune d'entre elles.

"Mon nom n'est pas important. Je suis venu te proposer mon aide."

Élie le regarda dans les yeux puis dit d'une voix blanche: (neutre, comme si ce qu'il allait dire n'avait aucune importance)

"Ça aurait pu m'épargner des tas de trucs si vous étiez venu me la proposer avant."

Dehors, le crépitement de la pluie se faisait de plus en plus fort. La chose ne répondit pas. Élie aurait pu jurer qu'il avait vu une étrange lueur briller dans ses yeux. (Oui, ces yeux froids et morts semblaient tout d'un coup briller,briller! C'était comme si un cadavre reprenait vie après plusieurs années. ) Il ignora la remarque d'Élie et lui demanda en retour:

"Dis moi... Ça te dirais de revoir ta mère?"

Élie fut un peu désarçonné par la question. Revoir sa mère? Pourquoi un inconnu lui proposerait ça? C'était bizarre et surtout, c'était tout bonnement impossible! Sa mère s'était transformée en crème à la fraise,( Enfin, elle s'était plutôt transformée en bouillie sanguinolente, mais Élie préférait dire en "crème à la fraise".) et avait été mise dans une jolie boîte. Si il voulait la revoir, il faudrait qu'il l'ouvre mais...avait-il vraiment envie de voir sa Maman-Crème-à-la-fraise? (Bien-Non!)

Certes, elle lui manquait, elle lui manquait beaucoup, mais il était préférable qu'elle reste là où elle était. Il était préférable que la boîte reste fermée et que jamais, jamais, jamais on ne l'ouvre.

Élie avait essayé de faire disparaitre le souvenir de cette journée-là, cette journée où Maman était devenue Maman-crème-à-la-fraise. Il avait essayé de le ranger dans un coin de sa tête en espérant qu'il moisisse et qu'il finisse par être jeté et oublié, comme les restes de nourriture qu'on trouvait dans les placards, mais, il s'était vite rendu compte qu'ironiquement, c'était ce qu'on cherchait le plus à oublier qui restait le plus gravé dans notre mémoire.

ÉlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant