6. équité sauvage

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Depuis l'arrivée du printemps, Daphné rumine. Au dehors, tout semble éclore à nouveau, depuis les fleurs des cerisiers jusqu'à la dignité de ses amis, mais elle, elle ressent comme l'envie d'hiberner.

— Daphné !

L'interpellée soupire. Elle savait qu'Astoria allait bien finir par émerger de la cheminée du petit salon, mais elle espérait secrètement qu'elle prendrait plus de temps. Allongée sur son lit, la tête nichée dans sa paume, elle entend les marches de la maison craquer puis la porte de sa chambre s'ouvrir sur sa petite sœur, encore vêtue de son uniforme.

— Tu comptais partir à quelle heure ? l'apostrophe-t-elle sitôt entrée.

— D'ici quinze minutes.

Astoria fronce les sourcils et avise les couvertures qu'elle froisse de sa présence avant de poser les yeux sur le cintre pendu à la poignée du placard.

— Alors qu'est-ce que tu attends pour t'habiller ? On ne peut pas se permettre d'arriver en retard !

— Et pourquoi pas ? Ils ont pas besoin de nous, de toute façon.

L'écolière soupire et ôte patiemment les manches de la robe de Daphné de l'armature du cintre.

— Enfile ça. Ils ont peut-être pas besoin de nous mais nous on a besoin d'eux.

— Mais j'ai pas envie. Je veux pas leur faire ça.

— Moi non plus, figure-toi ! Mais tu ne peux pas sauver tout le monde, Daphné. Maintenant, bouge-toi un peu et enfile ça.

Impérieuse, Astoria lui jette le vêtement dessus avant de quitter la chambre pour aller se changer de son côté. Daphné soupire mais, docile, lui obéit et passe la robe, désormais trop large pour elle au niveau des hanches et de la taille. Deux ou trois ajustements à la baguette plus tard, elle est fin prête et, cheveux coiffés et escarpins aux pieds, elle rejoint le petit salon. Un bref regard par la fenêtre lui permet de constater que la pluie fine qui tombe depuis l'aube a découragé les journalistes et Astoria, qui s'est glissée derrière elle, lui sourit.

— Ils sont enfin rentrés chez eux ! s'écrie-t-elle. Tout va finalement rentrer dans l'ordre...

Daphné ne répond pas. Elle fixe les abords du portail, d'ordinaire toujours occupés. Et elle ressent ce vide.

***

Le tribunal est plein, mais quand elle se hisse à la tribune, la seule chose que Daphné voit, ce sont eux. Gregory, Pansy et Theodore, sobres et décents, assis en rang d'oignons au fond de la pièce. Le dernier la fixe sans ciller tandis qu'elle déblatère ce qu'elle a peaufiné au fil de ses insomnies mais qui, encore aujourd'hui, lui semble trop cruel. Pour ne pas avoir à regarder les accusés enchaînés à ses pieds, Daphné le regarde elle aussi. Et, tandis qu'elle les accuse eux, c'est à lui que, dans son cœur, elle adresse ses mots.

Quand, le verdict rendu, ils quittent les sous-sols du Ministère, cela la frappe encore plus violemment que la sentence de la prison à vie. Elle lui en veut. Elle lui en veut autant que Blaise et Pansy lui en ont voulu quand il leur a révélé où disparaissait Gregory.

— C'est fini... souffle Astoria lorsqu'ils atteignent l'Atrium.

— Ça ne fait que commencer.

Derrière elles se tient Drago Malefoy, les cheveux aussi blonds que dans son souvenir. Elle ne prend pas la peine de répondre et préfère s'éloigner un peu le temps que Pansy et Gregory remontent, mais sa petite sœur ne l'entend pas de cette oreille.

— Qu'est-ce que t'en sais ? réplique-t-elle. Ton père s'est fait interner à Sainte Mangouste pour éviter son procès et ta mère a été graciée grâce à ton nouveau pote Potter ! Et tout ce que t'as eu à faire, c'est balancer nos parents !

Dans le hall désert, ce n'est pas contre les murs que ses paroles trouvent un écho, mais dans les yeux de Theodore, Pansy et Gregory.

— C'est déjà énorme, rétorque Malefoy.

— Ben voyons.

Le ricanement méprisant d'Astoria fige Drago pendant un court instant mais ne l'empêche pas de finir par tourner les talons et gagner les ascenseurs. Curieuse, Daphné pose les yeux sur Gregory qui regarde son ancien meilleur ami s'éloigner et elle se mord la lèvre en le voyant sortir une flasque de sa poche.

— Sérieusement ?!

Avant que Goyle n'ait pu avaler la moindre gorgée, Pansy la lui arrache des mains et la fait disparaître d'un sort.

— On a dit qu'on arrêtait, Gregory. On a des témoignages à préparer et des procès à affronter.

La jeune femme qui glisse sa baguette dans la poche de son pantalon de smoking ressemble indubitablement plus à Pansy Parkinson que l'épave que Daphné a pris l'habitude d'aller secourir presque tous les matins. Le garçon un peu paumé qui baisse la tête n'est quant à lui pas encore redevenu Gregory Goyle, mais au moins peut-il se targuer de marcher droit de plus en plus souvent.

Par contre, le sorcier qui esquisse un sourire satisfait en glissant une cigarette dans sa bouche quand ils émergent de la cabine téléphonique, elle ne peut pas croire qu'il s'agit de l'indifférent Theodore Nott.

Et elle lui en veut d'avoir changé, putain.

AsphodelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant