Le silence les enveloppe depuis si longtemps quand ils atteignent le bar que, tandis que Theodore lui tient la porte pour la faire entrer, les voix qui viennent se perdre dans les oreilles de Daphné lui donnent l'impression de venir d'un autre monde.
— Ça s'est bien passé ? s'enquit Pansy, un peu éteinte, lorsqu'ils se glissent sur la banquette usée face à elle et Gregory.
— Ça s'est passé comme ça le devait.
Theodore a répondu avec son détachement habituel et il lève le bras pour attirer l'attention du barman à qui il demande deux très soft jus de pomme.
— C'est fini, alors, commente Gregory.
Aucun d'entre eux n'en est persuadé, mais personne ne relève. Machinal, le barman pose les consommations des derniers arrivés sur la table, récupère le billet que quelqu'un a abandonné et se détourne. Daphné le suit des yeux avec une nostalgie qu'elle ne cherche même pas à refouler et le regarde discuter avec les habitués en ramassant des pintes vides. Quand elle s'intéresse de nouveau à ceux qui l'accompagnent, Theodore a déjà vidé la moitié de son verre et les glaçons de ceux de Pansy et Gregory ont intégralement fondu.
— On fait quoi, maintenant ? souffle-t-elle, si bas que Nott est le seul à l'entendre.
Il ricane et finit son jus de fruit d'une traite avant de répliquer :
— On reprend comme avant.
L'envie de lui dire que c'est impossible lui brûle la langue mais elle apaise celle-ci à l'aide d'une longue gorgée du liquide qui se réchauffe devant elle. Comme avant... Et dire qu'à Poudlard elle avait la bêtise de lorgner sur son camarade en fantasmant sur son intelligence ! Theodore ne comprend rien. Ni d'elle ni de son monde. Aucun avant n'est possible. Ce que la guerre ne lui avait pas déjà pris, il le lui a enlevé en mettant son nez dans ses affaires. Sans même s'en rendre compte. Sans même avoir eu l'envie ou l'ambition de le faire.
Elle secoue la tête, hausse les épaules et réarrange son col. Ses amis ont déjà fini leurs boissons et elle peut sentir la table trembler à cause de Pansy qui martèle le sol de son pied, alors elle se dépêche et engloutit ce qu'il reste dans son verre. Pour un peu, elle aurait presque voulu que ça soit du whisky ou un autre alcool trop fort pour elle, histoire de ne pas avoir à justifier les larmes qu'elle sent monter à ses yeux. Mais les trois autres sont trop impatients de s'en aller pour la remarquer et elle ne sait pas si elle s'en félicite ou non.
L'odeur humide des pavés les assaille quand ils quittent le bar mais au moins la pluie a cessé.
— Bon, fait Pansy. On se recroisera.
Theodore et Gregory acquiescent puis transplanent. Pansy a l'air d'hésiter à les imiter, puis finalement elle entraîne Daphné dans l'artère déserte depuis laquelle ils appellent d'ordinaire le Magicobus. Le bus violet apparaît trop vite à son goût mais elle n'ose pas faire part à Pansy de son désir de s'attarder dans les rues et grimpe avec elle à bord.
Avant de descendre pour rejoindre la quiétude de sa villa, son amie se tourne vers elle, un sourire hésitant mais toujours rehaussé de rouge aux lèvres.
— Merci, dit-elle. Je suis pas sûre qu'on te l'ait déjà dit, Goyle et moi... Mais merci. Vraiment.
Le baiser qu'elle dépose sur sa joue est si léger que Daphné n'est pas sûre qu'il soit réel. Les mots de Pansy lui mordent le ventre avec tant de férocité que le reste lui semble dérisoire, en comparaison.
***
Le lendemain, elle se sent déjà bien plus légère. Le soleil perce à travers les nuages, une délicieuse douceur printanière s'engouffre dans sa chambre par la fenêtre laissée ouverte et elle entend même quelques oiseaux pépier non loin.
Prise d'un nouvel élan, elle court à la fenêtre, les cherchant des yeux, mais ce n'est pas eux qu'elle trouve. Ils sont là, en bas, irrémédiablement plantés devant son portail, un appareil photo fièrement dégainé sur chacun de leur torse comme autant de crocs prédateurs, les objectifs luisants de la bave d'une insatiable curiosité.
Elle pousse la vitre sans même avoir la sensation de le faire. En revanche, elle est terriblement consciente de son sourire tandis qu'elle se jette, morceau de viande, dans l'arène des lions.
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Asphodelus
FanfictionLes victimes de la guerre ? Leurs visages sont reconnus et célébrés dans le monde entier. Les victimes de la paix ? Tout le monde préfère les oublier. Elles-mêmes y compris. Fanfiction Harry Potter. Image de couverture libre de droits.