Chapitre VII

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*Nous pouvons être un conte de fées*

C'était déjà le crépuscule. Le bruit de la vie grouillante commençait à s'éteindre paisiblement pour laisser place à ce battement entre le jour et la nuit qui était si beau. Le royaume entier était recouvert d'un voile doré.
Loki avait une nouvelle fois emmenée Rosaë sur son balcon. Ils étaient restés comme ça un moment, à observer la beauté du royaume. La guerrière ne lui avait pas demandé pourquoi il l'avait emmené ici, elle savait qu'il lui dirait quand il le voudrai.

Il tenait un livre dans sa main, son index retenait une page. Il regarda Rosaë et la vue du royaume, c'était la plus belle chose qu'il avait vu. Et il voulait les deux rien que pour lui.

- Quand je suis ici, souffla t-elle, j'ai l'impression que rien n'a changé.

Elle avait l'impression de vivre une éternité. Ça lui faisait bien, ce point fixe dans le temps, dans l'espace. Ce balcon avec Loki. Comme si la brise était la même, que la température ne changeait jamais vraiment. Qu'elle se sentirai à jamais à l'abri ici. Dans le torrent des changements, des tourments, c'était un endroit figé dans le temps, toujours à l'attendre. Ici, elle admirait ce qu'avait été sa vie, ce qu'elle était, elle faisait le compte du temps passé. Et ça la rassurait de savoir que certaines choses ne changent pas tandis qu'elle admirait les changements de sa vie, de leur vie. Juste un moment pour s'arrêter de courire et contempler.

- Mais nous, nous avons changé, commenta doucement Loki.

Elle se retourna et le regarda dans les yeux.

- Est-ce vraiment important ?

Loki sourit. C'était vrai, que signifiait ces changements, face à ce qui ne changeait pas ? Mais ils avaient changé. Leur relation avait évolué. Et ça, c'était important.

- Peut-être, mais ça ne signifie pas que c'est une mauvaise chose, répondit-il.

Il replaca une mèche de ses cheveux derrière son oreille et passa sa main sur sa joue. Rosaë ne frissona pas, elle ne fut pas surprise, elle était submergée par la tendresse. Puis, il replaça sa main sur son livre, et le regard de la jeune femme se tourna à nouveau vers le royaume. Quand il ouvrit le livre, le bruit délicat des pages fit tourné le regard de Rosaë vers lui. Elle savait qu'il allait lui lire un poème, comme elle adorait.

- Avec tes yeux je change comme avec les lunes
Et je suis tour à tour et de plomb et de plume,
Une eau mystérieuse et noire qui t'enserre
Ou bien dans tes cheveux ta légère victoire.

C'était un poème d'amour, et il était magnifique. Voilà ce que c'était, l'amour, un trouble dans l'équilibre. Elle était ce trouble agréable qui pouvait le rendre plume. Il n'y avait pas besoin d'un poème plus long, plus langoureux, Loki connaissait les mots à leur juste valeur, et il avait appris à Rosaë à faire de même. Alors Rosaë le savoura longuement. Et Loki attendait qu'elle dise quelque chose.

- Tu vois, finit-elle par dire, tout ce qui est beau n'a pas à être triste.

Loki lâcha un léger rire dans un soupir. Elle avait de la repartie, quand elle le voulait. Doucement, il vint se placer aux côtés de son amie, le visage tourné vers le royaume.

- Nous sommes les mêmes, toi et moi, nous sommes des marginaux, le regard des autres changent quand ils nous voit, susurra Loki.

Rosaë avait dû mal à savoir où Loki voulait en venir. Elle savait cependant qu'elle n'était pas d'accord avec lui. Peut-être était-elle devenue rejetée de la société asgardienne, mais certainement pas Loki, il était un prince respecté. Cependant, si c'était comme ça qu'il le ressentait, c'était son droit, et elle l'acceptait de son silence.

-J'aurais voulu que mon père me choississe comme souverain... soupira Loki.

La guerrière tourna la tête vers son ami. Qu'était-il en train de faire ? Se livrait-il à elle ? Pourtant, ce n'était pas le genre à se plaindre. Seulement, il baissait la tête. Oh, elle savait à quel point il aurait voulu être souverain, mais elle ne pouvait rien faire. Elle n'avait que sa vie et sa mort à offrir, rien d'autre, pas de pouvoir. C'était pourtant déjà ça. Alors elle posa sa main sur son épaule et il releva son regard vers elle. Le regard de Loki fut immédiatement attiré par la marque sur la joue de Rosaë, comme si c'était le but de cette dernière.

- Tu es déjà mon roi, je ne te suffis  pas ?

Sa question n'était pas si stupide que ça. Il la voulait, il l'avait. Mais elle méritait tellement mieux que ce qui lui arrivait, il méritait mieux. Rosaë se contentait de ce qu'elle avait, mais Loki avait un appétit insatiable. Alors il fit un vague mouvement de bras pour désigner le royaume et répondit :

- Un jour, tout ce que tu vois seras à toi, à nous. Je te ferai reine, et personne ne te mépriseras plus, tu ne répondra plus de personne. Nous sortirons de l'ombre pour briller sous les feux de la couronne.

Rosaë ria doucement. Un rire mielleux. Que ces paroles sonnaient douces, qu'elles avaient l'odeur de l'extase et la vue du rêve ! N'était-ce pas Loki qui lui avait dit que les promesses étaient pour les enfants ?Un instant, elle s'imagina dans une tenue royale, pouvant se battre aux côtés de ses amis sans que personne ne se méfie d'elle.

- Oh Loki, mais c'est un conte de fée, souria t-il.

- Nous le sommes déjà.

Il avait les yeux qui brillaient. Trouver une personne telle que Rosaë, c'était ça, le conte de fée. Il l'aimait. Il s'était autorisé à l'aimer quand il fut sûr de ses sentiments, quand il sut que ce n'était pas que des mots. Et c'etait comme si la grâce l'avait touché. Il voulait la voir avec une couronne sur la tête. Il voulait la voir habillée de la manière dont elle le méritait, agir de la manière qu'elle méritait. Qu'ils soient différents ou les mêmes n'avaient pas d'importance. Elle lui avait apporté la paix dans szs doutes. Avec elle, il était sûr de pouvoir accomplir sa destinée. Il était sûr que tout allait s'arranger, elle à ses côtés. Ils vivraient dans la lumière.

Alors il passa sa main dans son cou et l'embrassa. Rosaë ferma les yeux, submergée par une telle douceur. Ce baiser valait mille combats. Il valait toutes les souffrances qu'elle avait endurées. Toutes les blessures et le déshonneur. Les tambours de la guerre ne se faisaient plus entendre. Elle oublia tout et se laissa aller. Elle était sa reine, elle devrait être celle du royaume.

Loki avait l'impression d'être important, d'être quelqu'un. Grâce à elle. Il avait besoin d'elle. Ce baiser avait le goût de l'éternité. Le prince rompit le baiser avec tendresse.

- Tu es à moi, chuchota t-il.

- Je sais. Ça a toujours été le cas, et ce le sera toujours.

Et il devint alors l'eau mystérieuse et noire, qui, comme dans le poème, l'enserrait. Et il apporterai, il le savait, la victoire sur ses cheveux.

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Salut !
C'est la fin, toute en douceur, de cette deuxième partie, j'espère que ça vous plaît jusque-là, on va attaquer la dernière et troisième partie héhé !

PS : c'est encore une fois un poème de Paul Élouard issu de Capitale de la douleur.

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