Dévotion

Chapitre III

* Theatrum mundi*

Titius comprit. Ou du moins, c'était ce qu'il  pensait. Loki avait fait de sa fille sa dévouée. Il se sentit trahi et il était fou de rage. Pourtant, Rosaë se sentit si soulagée. Loki était là, il était en vie. Elle ne fut jamais aussi heureuse de le voir. Elle se releva et se jeta à son cou.

- Oh Loki, j'étais si inquiète... Ce fut un massacre...

Malgré toute sa tendresse, Loki resta stoïc, crispé, le regard fixé sur Titius qui était abasourdie de voir sa fille se jeter à son cou. Les deux hommes échangèrent des regards électriques. Titius serra ses poings, la stupéfaction avait laissé place à la fureur.

-Espèce d'enfoiré ! Vous avez fait de ma fille votre dévouée, vous m'aviez promis qu'il ne lui arriverai rien !gueula t-il.

- J'étais obligé, ils allaient l'exécuter, rétorqua Loki, et c'est votre faute. Non mais qu'est-ce qu'il vous a pris d'épargner un soldat pour qu'il lui transmette un message ?! Ils ont tous su ! Vous avez failli faire capoter le plan !

Le regard de Titius se perdit un instant, il avait l'air complément désemparé en murmurant ;

- J'étais mort d'inquiétude, j'avais peur qu'elle me croit mort....

Rosaë ne comprenait rien. Pourquoi parlaient-ils ainsi ? Comme si ils se connaissaient, comme si ils étaient de mèche. Non, elle devait mal interpréter leurs paroles, elle était encore sous le choc de la mort de ses amis. Mais elle était affreusement confuse, et elle sentit que ça n'allait pas lui plaire du tout.

- Rosaë, reprit son père d'un ton désespéré, écarte-toi de lui, c'est un monstre...

- Taisez-vous ! Interrompu Loki.

Il avait crier. Il était lui aussi en colère. Cette violence fut sursauter Rosaë qui se détacha de Loki, comme si elle ne le reconnaissait pas à travers ce qu'il était à ce moment-là. Il n'était plus celui qui lui avait promis la paix, mais celui qui débordait de colère. Il lui avait fait peur, car il était lui-même terrifié. La situation lui échappait complètement.

Loki ne pouvait ni perdre la face, ni perdre Rosaë. Titius, lui, devait regagner sa fille. Il avait été un bon père, il avait fait une erreur, certes, mais il ne méritait pas de perdre sa fille pour ça. Oh comme il s'en voulait à ce moment-là d'avoir succomber à la peur sous la menace du serpent. Le serpent s'était emparé de sa fille, alors qu'il avait promis sa protection. Le plus grand guerrier d'Asgard était bien impuissant.

- C'est lui qui m'a menacé, continua Titius malgré tout, il m'a obligé de trahir nos guerriers, de les faire tous tuer, sinon il te tuerait. Je n'ai fait que suivre des ordres sous sa menace. Il a fait tout ça pour prendre le trône, Rosaë, c'est lui le vrai traître, c'est un Jötun.

- Sale... grogna Loki.

Rosaë était perdu. C'était comme si soudainement elle s'était rendue compte qu'elle était sur une scène depuis le début. Que tout ceci était une pièce de théâtre et qu'elle était la seule à ne pas avoir reçu son rôle. Qui croire ? Ou plutôt, qui voulait-elle croire ? Son père ou son amour ? Il devait bien y avoir quelqu'un qui disait vrai. Son père était-il encore plus lâche que ce qu'elle pensait, inventant un mensonge pour ne pas assumer sa trahison ? Ou bien était-il courageux en révélant au péril de sa vie la vérité devant celui qu'il désignait comme son bourreau, tout en sachant qu'il avait déjà gagner ?

La guerrière recula un peu pour mieux observer Loki. Elle ne le reconnaissait pas. Il semblait fou de rage que Titius dise de tels mensonges, ou la vérité. Et puis, il regarda Rosaë avec un regard désolé. Oh non, pas ce regard, supplia t-elle dans sa tête. Pas ce regard.

- Est-ce qu'il dit la vérité...? Demanda Rosaë d'une petite voix.

- Oui, je suis un Jötun.

Sur ce, il dévoila sa vrai nature. Il attendait à ce que Rosaë soit effrayée, mais elle ne bougea pas d'un pouce. Ce n'était pas la réponse qu'elle attendait. Elle s'en fichait qu'il ne lui ait pas révélé sa vrai nature, chacun avait ses secrets. Elle voulait savoir si c'était lui, le responsable de tout ça. Plutôt, elle voulait qu'il lui dise le contraire, qu'il dissipe ses doutes.

- Je m'en fiche de ça, s'impatienta t-elle. Est-ce que ce qu'il dit est vrai ?

- J'ai menti à tout le monde, toute ma vie. Mais j'ai découvert, à ma surprise, que je ne pouvais plus te mentir.

Titius pensa que Loki jouait encore la comédie. Qu'il s'appitoyait pour s'approprier sa fille. Qu'il allait mentir à nouveau. Il ne supportait pas ça. Il savait qu'il avait déjà perdu, mais il pouvait entraîner Loki dans sa chute. Jamais, jamais, il ne laisserai sa fille dans ses sales pattes. Elle était si pure, il la manipulait. Alors il s'en ficha de la dévotion. Il tuerai Loki et s'enfuira loin d'Asgard avec sa fille, pour ne pas que la condamnation s'abatte sur elle. Il pensait que la condamnation de la dévotion et du serment qui l'obligeait à se donner la mort après celle de Loki, c'était toujours mieux que de la voir avec cette enflure. Il était dans une telle fureur qu'il préférait la mort de sa fille à sa survie dans les mains de Loki. Non pas pour punir Loki, mais pour la sauver elle. Il savait que la mort était préférable pour elle que de vivre avec ce traître, sa fille était bien trop loyale à Asgard. Il avait un plan.

Alors il dégaina son épée et s'avança vers lui, le regard noir. Loki et Rosaë devinèrent ce qu'il avait dans la tête. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que Titius savait très bien qu'il n'atteindra pas Loki, sa fille s'interposera comme le voulait la dévotion. Ce n'était pas une attaque, mais une mission suicide. Il avait un plan. Il n'y aurait pas de gagnant.

- Père, non... supplia t-elle.

Mais il commença à courir. Tout parut aller trop vite ensuite. Son père s'était-il jeté sur l'épée tendue de Rosaë vers lui, ou avait-elle avancé elle-même son épée dans l'abdomen de son père ? Le résultat était le même. Titius se retrouvait transpercé par l'épée de sa fille. Elle n'avait pas eu le choix. Elle devait protéger Loki, au prix de sa vie, au prix de celle des autres. Le commandant s'effondra par  terre, Rosaë s'accroupi à ses côtés, dans la marre de sang. Loki resta figé.

- Je suis désolé, je n'avais pas le choix... pleura t-elle.

- Je sais... Je n'ai rien voulu que tout cela se passe comme ça...

Avec la force qu'il lui restait, Titius attrapa l'épée qu'il avait lâché. Sa fille n'arppatiendrait pas à Loki. Il valait mieux qu'elle meure. Elle n'irait à pas à Heilheim, le royaume des morts non-victorieux, plus connu sous le nom de l'enfer, car elle serait morte tuée sur le champ de bataille, en héros. Il le faisait pour son bien. Alors il pointa son épée sur sa fille. Cette dernière resta figée. Parce qu'elle ne voulait pas comprendre ou parce qu'elle voulait mourir avec lui ? Elle ne le savait pas elle-même.

- Pardonne-moi, ma chérie, je fais ça pour toi. Ne t'inquiète pas, tu n'iras pas à Heilheim.

Elle resta sans bouger, les yeux fermés, prête à mourir. Qu'importe la vérité, elle oublia un instant le doute dans son esprit. Un moment, elle ne pensa pas à savoir qui des deux hommes avaient raison. Elle était bien trop épuisée pour bouger, et n'en avait pas l'envie, elle sentait l'épée de la mort s'approcher.

Titius était diminué et son geste était plus lent que la normal. Loki comprit. Il comprit que le père allait tuer la fille pour mourir avec lui. Mais il ne le voulait pas. Il voulait que Rosaë vive, qu'elle vive à ses côtés.

Alors il se précipita sur eux pour empêcher le tragique événement d'arriver. Mais il entendit le bruit de l'épée trancher la chair de sa bien aimée.

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