Dévotion

Chapitre III

           * Poetry against destiny*

Le festin de victoire était toujours aussi bien garnie, autant en nourriture qu'en alcool. Autour de la table, les rires et les chants étaient assourdissant. Rosaë venait de gagner un défi avec Fandral : celui qui finit sa bouteille le plus vite. Sans aucun doute, elle était appréciée de tous. Elle partageait la même joie que la joyeuse bande, le même état d'esprit. Elle là où était sa place. Mais ce soir, elle n'était pas vraiment présente.

En retrait, Loki avait observé la scène d'un air méprisant. Il n'y avait rien de glorieux à avoir une belle descente. Il pensa un instant au raffinement qu'aurait eu Rosaë si elle était venu à la bibliothèque avec lui quand il lui avait proposé mainte et mainte fois quand ils étaient plus jeunes. Mais elle avait toujours refusé, préférant s'entraîner. Elle s'amusait à des choses vulgaires, lui manquant la culture qu'avait les gens civilisés. Voilà ce qu'elle récoltait, à s'obstiner bêtement à cultivé son corps plutôt que son esprit. C'était un grand regret de Loki, de ne pas avoir réussit, enfant, à la traîner à la bibliothèque. Peut-être leur amitié aurait-elle perduré, peut-être se seraient-ils compris en grandissant. Maintenant, elle était si différente de lui.

Ce soir-là, Rosaë était distraite, mais c'était le genre de chose que seul Loki reperait. Parce qu'elle s'amusait toujours autant, mais parfois son regard vaguait, pensant à son père. C'était la première fois qu'elle était inquiète pour lui. Épuisé par tant de stupidité, Loki se retira discrètement, comme il avait désormais l'habitude de le faire. Personne ne semblait l'avoir remarqué, sauf Rosaë. Parce que c'était aussi la seule à remarquer ce genre de chose.

Un peu plus tard dans la soirée, Rosaë décida de quitter la table. Elle était envahie d'une vague étrange de tristesse, elle avait peur de déborder.

- Hé ! Où tu vas ? La soirée n'est pas finie ! l'interpella Sif.

- Je me sens un peu fatiguée, répondit-elle.

- Laisse-la Sif, elle a bien mérité de se reposer, intervint Thor.

Rosaë le remercia du regard avant d'arpenter le palais, le regard embrumé par l'alcool. Ce soir-là, elle ne se sentait pas bien, elle se sentait triste. La scène de la joie s'était déroulée devant elle, comme si elle avait été une spectatrice peu attentive, comme si elle n'avait pas été  vraiment là. Alors elle cherchait Loki, comme une corde à laquelle se ratacher. Il représentait le calme et la sagesse pour elle, et maintenant, elle avait vraiment besoin de calme.

Oui, elle ressentit soudain le besoin de le voir, comme un vieux rocher apaisant sur lequel elle venait se reposer. Comme si malgré le temps, maintenant que quelque chose de pas vraiment amusant lui arrivait, elle avait besoin de Loki comme la seule chose solide de sa vie. Pendant des années, elle n'avait pas ressentie ce besoin.

Elle le trouva finalement sur le balcon de ses appartements, là où ils se retrouvaient quand ils étaient petits. Il était debout, le dos appuyé contre un mur, lisant un livre à la bougie. Elle n'eut pas le temps d'annoncer sa présence qu'il lui dit :

- Que fais-tu là ?

- Je te cherchais.

Il arqua un sourcil. Cela faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient pas trouver que tous les deux. Cela faisait bien longtemps que Rosaë ne le cherchait plus.

- Tu as encore bu. Les choses stupides ne te conviennent plus, il faut que tu viennes me trouver pour te distraire ? demanda sarcastiquement Loki.

Habituée à son humour, Rosaë balaya son sarcasme d'un geste de main, signifiant qu'elle n'était pas d'humeur à plaisanter. Non, elle n'était pas venue se distraire. Elle était venue trouver refuge. Loki le comprit. Il comprenait très vite. Il la comprenait.  Il apprécia sa présence sans poser plus de question, il posa cependant une condition :