1- Vendredi 13

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12h00, enfin. 

Je jette mes feuilles à l'arrache dans mon sac à main, attrape ma trousse et me rue hors de l'amphi C. 

J'ai l'estomac qui crie famine et cette impression que je peux mourir de faim à tout moment ne me quitte pas. Je fuis donc le bâtiment délabré qui me sert d'établissement et monte dans le premier bus que j'aperçois à la sortie sans même saluer le chauffeur.

Il démarre presque immédiatement et je m'autorise enfin à souffler. Cette matinée m'a éreintée, mais heureusement je suis maintenant en week-end. Il était temps.

En effet, aujourd'hui étant un vendredi 13, j'étais sûre qu'il allait m'arriver malheur. Et ça n'a pas loupé ! 

J'ai d'abord raté mon réveil ce matin pour aller à la fac et suis arrivée en cours avec plus de 30 minutes de retard et des ampoules aux pieds à cause du sprint que j'ai piqué pour attraper le bus. 

Puis à la pause de 10 heures, j'ai renversé mon café sur mon chemisier tout neuf. Mais pas la petite tâche discrète qui part à l'eau. Non, non, la tâche en forme du Brésil qui recouvre l'intégralité de ma poitrine et une partie de mon ventre. Remarquez, je devrais peut-être y voir un signe et partir m'installer au Brésil. Après tout, est-ce qu'on ne lit pas l'avenir dans le marc de café ? 

 J'ai donc passé la matinée en boitant, entourée d'une forte odeur de café froid et avec l'impression d'être un énorme tiramisu clopinant aux yeux des autres.

Mais finalement mon calvaire a pris fin et je me délecte du long week-end paisible qui m'attend. Mes parents et ma sœur devraient déjà être partis, me laissant la maison pour moi toute seule.

En effet, ma sœur jumelle, Camélia, est une chanteuse célèbre dans toute la France et enchaîne depuis plusieurs années les tournées. Et mes parents sont rapidement devenus ses managers et l'accompagnent depuis partout où elle se rend.

Je n'ai jamais été très proche de Camélia lorsque nous étions plus jeunes, mais en grandissant le fossé entre nous s'est encore plus creusé et, depuis qu'elle a percé dans le milieu de la chanson, nous ne nous adressons presque plus la parole. Et je me porte mieux ainsi.

Elle est tout ce que je ne suis pas et que je déteste. Superficielle, maniérée, exubérante et elle a le besoin permanent de faire tout mieux que tout le monde. Et il faut avouer que la célébrité et le culte que lui vouent mes parents n'ont fait qu'amplifier ses mauvais côtés.

Car, qu'on se le dise, mes parents ne jurent que par Camélia. Camélia la chanteuse. Camélia la star. Camélia la fille prodige.

Et forcément, la pauvre Rose qui a toujours été silencieuse et qui préfère la lecture à la célébrité a toujours été laissée sur le carreau.

Mais je ne m'en plains pas, bien au contraire. Même si j'ai beaucoup souffert d'être mise à l'écart dans mon enfance, j'ai réalisé en grandissant que j'aimais la solitude et que je me portais bien mieux quand on me fichait la paix.

Je ne dis pas que mes parents ne m'aiment pas, non. Je pense simplement qu'ils sont tellement obnubilés par ma sœur jumelle qu'ils ont complètement oublié mon existence. Je suis comme un cactus, je survie dans mon coin même si on oublie souvent de prendre soin de moi.

Alors je me suis forgé ma bulle en grandissant. J'ai mûri beaucoup plus vite que les jeunes de mon âge et ai vite appris à ne compter que sur moi-même pour être heureuse.

Le bonheur passe par moi et je n'ai jamais eu besoin de personne d'autre. Mis à par Boulette et Pantoufle, mes deux adorables chats de gouttière que j'aime plus que tout.

Je souris bêtement en songeant aux deux gros matous que je vais bientôt retrouver. Je jette un œil par la fenêtre, pressée d'être arrivée, et quelle n'est pas ma surprise en voyant que je suis complètement à l'opposé de mon quartier !

Désespérée une fois de plus par ma maladresse légendaire, je me traite mentalement d'imbécile avant de me lever pour descendre au prochain arrêt. J'ai à peine mis un pied devant l'autre que la mamie assise devant moi me jette un regard noir. Visiblement je n'ai pas parlé que dans ma tête et elle a dû croire que je m'adressais à elle.

Je lui lance un sourire contrit et me hâte vers la sortie, mon sac sous le bras et ma trousse toujours en main. Je suis probablement pathétique mais malheureusement pour les occupants du bus je n'en ai rien à cirer.

Le véhicule freine enfin et je me jette presque dehors. Mes pieds me font souffrir le martyr alors j'adopte une marche légèrement boitillante, tel un cheval blessé.

Je soupire. Toutes ces aventures m'ont vidée et je ne songe plus qu'à un énorme paquet de pop corn et un canapé bien douillet. Le paradis selon Rose.

Les noms des rues me sont vaguement familiers et je parviens sans trop de mal à me repérer. Je mets environ une vingtaine de minutes pour rentrer chez moi. 

C'est donc les pieds en compote que j'avance, concentrée sur les directions à emprunter. Je dois avoir fière allure avec mon chemisier tâché, ma démarche boiteuse et ma trousse à la main. Mais plus rien d'autre que mes chats et mon prochain repas ne comptent à mes yeux.

De toute façon, les rues sont désertes alors personne ne profitera de mon charme incroyable. Tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu'ils ratent.

Je finis par tourner dans la rue où j'habite et pousse des petits cris de joie. J'y suis arrivée !

Ma maison en vue, je hâte le pas et étonnamment mes pieds acceptent cet ultime challenge avant la délivrance. C'est donc après un sprint final, boitillant certes, que je parviens toute essoufflée devant l'immense portail en fer forgé qui abrite ma maison.

Je m'écroule presque, mon estomac apparemment mécontent de cet effort inutile. J'ai terriblement faim, mes pieds sont en sale état et j'ai un besoin urgent de prendre une douche.

Je m'empresse donc d'ouvrir le portail et pénètre dans le jardin verdoyant qui entoure la maison. Je n'aperçois aucune des voitures de mes parents, j'imagine donc qu'ils sont bien partis dans la matinée. 

Mon esprit s'apaise en sachant que je ne risque pas de les revoir avant plusieurs semaines. Enfin un peu de répit après ces trois mois à cohabiter avec eux. Il y a bien longtemps que je ne les avais pas supporté aussi longtemps d'affilé et ça commençait à virer au cauchemar.

Après avoir fouillé trois fois mon sac, je met enfin la main sur ce fichu trousseau de clefs. Je bataille encore quelques secondes pour trouver la bonne clef puis l'insère dans la serrure. Je n'ai pas le temps de la faire tourner que le sol se dérobe sous mes pieds.

Et le noir m'engloutit.


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Coucou !

Voici donc le premier chapitre de ma nouvelle fiction ! Rien à voir avec "WILD" qui est un roman d'aventure, ici vous allez suivre les péripéties de Rose à travers son point de vue assez déjanté. 

J'espère que vous allez aimer cette nouvelle histoire, en tout cas n'hésitez pas à me donner votre avis, c'est ce qui me permet de progresser.

On se retrouve très vite pour la suite !

Bisous ♥

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