5 - Où l'on se retrouve dans une souricière

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Les trois coups cognés contre la porte avaient saisie Tina. Ça faisait trop d'émotion, même pour elle.

— Je ne suis pas visible ! cria-t-elle en anglais.

— C'est la police, madame, répondit une voix bourrue. Vous devez sortir signer un document.

— Pourquoi ?

— Il y a eu un meurtre, répondit froidement la voix. Nous relevons l'identité de tous les clients du Tropicana.

Ove échangea un regard avec la jeune femme.

— Bon, chuchota-t-il, maintenant au moins, on sait pourquoi le type a agi comme un amateur...

Mais ce qu'il lut dans les prunelles de Tina Aveterco, ex-madame Maxim Edgecliff, lui déplut profondément. Elle était l'accusation personnifiée.

— Je m'habille et j'arrive.

— Je n'ai rien fait ! fusa Ove en tentant de ne pas élever le ton.

— Le flingue ? Le sang ? Blessure de défense ?

— Blessure de défense ?! Mais quelle genre de médecin-légale t'es ? Le gars m'a sauté dessus, il était dans ma salle de bains, je lui ai juste entaillé le visage pour me... Je suis keuf, espèce de débile ! D'où j'irais me lancer dans le crime crapuleux alors que je suis à deux doigts de pouvoir quitter ce putain d'enfer pour toujours !

— Hum... c'est vrai, je ne te vois pas capable de monter le moindre plan crapuleux...

— Meeeerci !

— Tu n'as pas les capacités cérébrales pour. Et ça n'a peut-être rien à voir avec ton agression. Après tout, ce sont les Îles Caïmans. Tout arrive, ici, visiblement.

— T'es vraiment pas nette.

— Planque ton arme. Pas. Dans. Mon. Vanity.

Ove souffla bruyamment et glissa le pistolet sous l'épais matelas du lit King Size.

— Mets-toi sous les draps. Vite, vite !

Tina jeta sur la grosse tache de sang qui maculait la couverture le peignoir qu'elle portait peu de temps auparavant. Elle alla ouvrir.

— Bonjour ! fit-elle avec le sourire le plus radieux du monde. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

— On relève les noms des clients, madame. Ah, vous êtes avec quelqu'un ?

— Oui, il... il n'est pas visible. Chéri, c'est la police, ajouta la jeune femme en français.

— Bonjour ! lança le Suédois en relevant la couverture jusqu'au cou comme une jeune mariée de téléfilm américain le lendemain de sa nuit de noces.

Le policier en uniforme, un Chinois d'un certain âge, grogna un salut peu amical au blond qui lui adressait son plus beau sourire.

— Vous êtes client de l'hôtel, monsieur ?

— Oui, bungalow treize.

— Hum...

— Vous avez besoin de mes clés ? demanda Ove, obligeant.

Il priait mentalement pour que cet officier mal luné réponde que non : sa chambre était tapissée de sang.

— Non, votre nom seulement, grommela l'homme en tirant un carnet et un stylo à bille d'une poche intérieure.

— Ove Sven Rapp.

— Français ?

— Oui.

— Et vous ?

— T... Tina Aveterco.

— Ah, oui...

Le type eut un drôle de rictus. Une sorte de sourire, sans pour autant pouvoir être qualifié comme tel. La jeune femme prit la mouche et remercia l'officier avant de claquer la porte.

— Arrête de sourire, je te vois.

— C'est bon, ça va. File-moi un peignoir, je vais retourner nettoyer ma chambre avant que ça tourne au vinaigre.

— J'ai mieux. Maxim a dû laisser une de ses valises ici.

— Tu risques pas de moins m'aimer, si je porte les fringues de ton ex ?

— On a déjà atteint le point zéro, Ragnar.

— J'suis sûr que t'es dingue de mon corps.

Le Suédois se leva en dissimulant une grimace, tandis que Tina tirait une grosse valise griffée de sous le lit pour en extraire quelques chemises et un pantalon de jersey.

— Peut-être que tu l'as blessé plus gravement que tu ne le croies, fit-elle, pensive, tandis que Ove ôtait son bermuda couvert de taches. Si tu l'as touché au cou et pas au...

— Je l'ai pas tué, putain ! Faut te l'dire comment ?! Et est-ce que je t'aurais dit, à toi, une parfaite inconnue, que j'avais fichu un coup de couteau à un mec si je savais que dans l'heure qui suivrait on trouverait son cadavre ? Tourne-toi, j'suis pudique.

— Je suis légiste et tu es en boxer, espèce d'imbécile.

—Okay, mate mon cul alors.

Tina dut se souvenir qu'elle risquait de faire sauter les points de suture et se retint de jeter la valise de Maxim sur cet outrecuidant personnage. Elle s'enferma soigneusement dans les toilettes pour passer une robe d'été, s'assura qu'aucune goutte de sang n'avait été oubliée sur ses mains ou ses bras et sortit. Elle ne put se retenir d'admirer l'intrus qu'elle venait de recoudre, que la chemise noire et le pantalon en jersey blanc mettaient parfaitement en valeur. Ils sortirent en silence et se dirigèrent vers le petit attroupement, devant la plage. Ove fut plus rapide, malgré sa blessure. Il eut le temps d'entrapercevoir les traits de la victime avant que le technicien médico-légal ne remonte totalement la fermeture éclair du bodybag. Lorsque Tina vit le visage décomposé de Rapp, qui avait fait demi-tour dans sa direction, elle s'immobilisa. L'homme lui saisit le bras et l'entraîna vers le bungalow treize.

— Mais tu vas me lâcher ?! Qu'est-ce qui... ?

— C'était lui... siffla Ove, hagard. C'était lui !

*

Meeeeeeeeeeeeeerci pour tous vos commentaires et votre soutien !!!! 

J'apprécie énormément et j'espère que cette fiction vous plaît toujours :-D

Bisous !!!

Sea (qui doit désormais avancer Hidekkel sur Fyctia si elle veut avoir une petite chance de voir le bout du classement...)

Le Suédois qui n'aimait pas l'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant