Mon désarroi éclata de rire.
Voilà une heure que mon professeur était parti, je n'en revenais toujours pas.
Trahi par mon propre peuple.
Non... il fallait que j'aille au-delà de ça, ces mots ne suffisaient pas à transcrire la situation.
Mon peuple se trahissait lui-même.
Une pensée issue des travailleurs bouffeurs de chair vint court-circuiter mon esprit :
C'est nécessaire, alors qui se fout de savoir si c'est moral.
Qu'y avait-il de choquant dans ce qu'il m'avait dit finalement. Aussi horrible que cela puisse paraître, ce système avait été mis en place pour le bien commun, pour la survie du plus grand nombre, alors pouvait-on vraiment trouver à y redire ?
L'immoral peut-il être légitimement justifié ? Le caractère nécessaire n'outrepasse t'il passe par essence la morale ? C'est justement parce que c'est nécessaire que cela redevient moral ?
Une part de moi comprenait ces idées. Une part infime de moi voulait s'y résoudre. Ma raison et mon cœur s'empressèrent d'infirmer cette réflexion.
Les pratiques de la Noire Candeur venaient en contradiction directe avec tout ce que l'on m'avait appris. On m'avait inculqué des principes d'abnégation, de sacrifice au nom du plus grand nombre, on m'avait enseigné des valeurs morales intransigeantes. Valeurs bafouées par ce même système qui les ont instaurées.
De deux choses l'une. Ou ma morale est mauvaise, ou ce système l'est. Je suis convaincu émotionnellement et rationnellement du bien-fondé de ma morale. La respecter me met en accord avec moi-même. Tout ce qui vient la contrecarrer, la remettre en cause est mon ennemi. Ce système est mon ennemi.
Ezra me revint en tête... Plus particulièrement une conversation que nous avions eue, lors de la matinée précédant mon évasion...
–Il y a quelque chose qui m'interpelle, Zachary.
Il arborait aux lèvres un sourire carnassier, un sourire empreint de sadisme. Rien qu'au ton de sa voix, je sentis sa malveillance. Candide face aux émotions que je devinai, je lui répondis.
–Quoi donc Ezr...?
C'est à peine s'il me laissa le temps de répliquer, tant il bouillonnait d'impatience face à l'envie d'avoir ses réponses.
–Qu'est-ce que tu fous ici ?
–Plait-il ?
Il me toisa de bas en haut, d'un air inquisiteur.
–Regarde-toi... Tout chétif, tout innocent, j'connais pas ton âge, mais t'es clairement pas de taille pour être ici. Et je ne parle même pas de cette station, je parle de ce monde. Tu transpires la naïveté. Je ne sais pas d'où tu sors, mais tu n'as rien à faire ici... Ce qui m'amène à ma question : Qu'est-ce que tu fous là ?
Je poussai un soupir d'exaspération.
Le rappel constant de ma fragilité m'aurait naguère laissé parfaitement de marbre... Toutefois plus j'arpentai ce monde, plus je me rendis compte que la faiblesse ou le simple fait d'être perçu en tant que tel conduisait rapidement à la mort. Ce soupir était la preuve que ce monde déteignait sur moi.
–Et bien... Je viens d'un monde différent, je viens d'un endroit où nous sommes tous égaux, où nulle querelle n'a lieu d'être, un monde basé sur l'entente, sur le dialogue, sur le respect de l'autre à un point que vous... que tu pourrais qualifier d'extrême.
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Anthropo-nihilisme
Science FictionAu crépuscule de sa déchéance, la race humaine échappa à l'extinction totale en édifiant cinq dômes de survie. Zachary Tempès vint au monde au dôme de la vision, ce jardin d'Eden mêlant admirablement un écosystème varié à une technologie de pointe...