TW : Suicide, maladie mentale.
Après un contact télépathique, tous les hommes deviennent des frères.
Je regardais Abiotos d'un œil nouveau, comme si je l'avais toujours connu. Nous venions de vivre en cette fraction de seconde tout une éternité d'expérience. Loin d'attirer mon adhésion à ses choix de vie, je pouvais désormais le comprendre.
Je ne voyais plus en lui seulement un seigneur de guerre mais au travers de ses erreurs, j'y voyais un humain. Un humain dont les failles, les remords, les erreurs se rapprochait quelque part des miennes. Un homme qui aimerait se laisser guider par ses principes sans jamais y parvenir totalement.
Pendant la semaine que je partageais en compagnie d'Abiotos et des tributs, j'en appris beaucoup de ce qu'ils appellent « la symbiose ». La symbiose est un principe édifiant la nécessaire complémentarité humaine et animale pour la formation d'un écosystème viable et pérenne. Par un effet de vase communiquant dès que l'un prend le pas sur l'autre, l'un contraint le développement de l'autre. Voilà pourquoi les tributs eux-mêmes se nomment les « synanthropes ».
Bien que les actes du scientifique déchu soient contestables, il était indéniable que son asservissement « temporaire » des cafards avait ses bénéfices. Il en résultait une diminution des morts et une amélioration des conditions de vie des deux races.
Au fil de la semaine, je gardais en tête la captivité de mon partenaire de voyage : Cyclope. Etait-il toujours enchaîné au trône, tel qu'on l'avait laissé à mon départ ? Ou avaient-ils fait preuve de clémence ? Comment croire en la bonté d'âme de ce peuple qui brillait par sa brutalité ? Plus je vivais parmi les synanthropes, plus j'en venais à considérer ce dôme comme barbare.
Ce simple constat me rappelait à quel point je m'éloignais lentement mais sûrement de la rigueur scientifique et de la neutralité à laquelle j'aurais voulu m'astreindre.
Je coulais des jours paisibles en compagnie de cette petite société, dans l'attente de l'arrivée de mon compagnon.
Au terme du cinquième jour, je passais le plus clair de mon temps à attendre au pied de la tour l'arrivée éventuelle de mon frère. Je connaissais son point de vue sur Abiotos, je savais les conséquences qu'il entrainerait. Je devais désamorcer cette bombe avant l'instant fatidique ou elle entrainerait tout le monde dans sa chute.
Cyclope devait penser que j'étais mort, en espérant se tromper. Ou pire encore, que j'avais remplacé le seigneur des cafards.
Si tel avait été le cas, aurait-il essayé de me tuer ?
Je baissais la tête avec amertume tant ce scénario aurait pu être douloureusement probable.
Si tel avait été le cas, aurais-je essayé de le tuer ?
Je fermais les yeux pour éteindre cette réflexion. Elle avait le potentiel d'embraser mon esprit. Péniblement, je réfrénais ma bête humaine qui voulait hurler au monde ses aspirations meurtrières.
-BIEN SÛR QUE TU L'AURAIS TUÉ. Nul besoin d'être triste à cet égard. Tu lui aurais offert une belle mort. Celles-là même que tu appelles de tes vœux par tes actions, celles du martyr, celle de celui qui est prêt à tout au nom de ses idéaux.
Pour la première fois depuis sa naissance, le monstre en moi me fit éclater de rire avant de m'exclamer à voix basse dans un triste soliloque.
-Je ne devrais pas être surpris face aux erreurs de jugements d'une entité aussi fermée. Je ne sais pas si je devrais m'en féliciter ou le déplorer. Mais que toi, qui sommeille au fond de moi, continue de me penser intègre, j'avoue être estomaqué.
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Anthropo-nihilisme
Ciencia FicciónAu crépuscule de sa déchéance, la race humaine échappa à l'extinction totale en édifiant cinq dômes de survie. Zachary Tempès vint au monde au dôme de la vision, ce jardin d'Eden mêlant admirablement un écosystème varié à une technologie de pointe...