Chapitre 20 : La guerre invisible

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Je ne devinais pas en Laurifer le tempérament d'un homme changeant, impulsif. Ce qui venait de se passer devait être sans précédent.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

Figé de surprise, je me perdais dans la contemplation de mon camarade. Si ma curiosité me réclamait d'éprouver un contact télépathique avec lui, ma méfiance me l'interdisait.

Est-ce... dangereux de trop mêler son esprit à celui des autres ?

Cyclope gardait aux lèvres un sourire énigmatique, comme s'il saisissait mon dilemme intérieur.

Alors qu'il se redressait, il me fit signe de le suivre. Mon compère m'entraina à l'entrée des quartiers de notre hôte d'où il fit coulisser la porte d'entrée, produisant à nouveau ce sifflement caractéristique. Après quoi, il désigna sa propre oreille pour m'inviter à me focaliser sur mon audition. Outre ce son d'eau ruisselant des fontaines de Laurifer, rien n'attirait particulièrement mon attention.

Apparu alors les premières notes d'une subtile mélodie, un son de flute indescriptible, entre le félin et le solennel, le gracieux et le majestueux. Une musique sibylline qui exprimait les lamentations du silence, comme un soupire lancinant sans fin. Un air suave qui effrita l'accalmie du dôme sans la moindre brutalité.

Au détour d'un couloir, une procession silencieuse d'individu se dévoila à nos yeux. Ils devaient être au minimum une cinquantaine, peut-être une centaine au total. Les voir se succéder les uns aux autres dans un total mutisme exprimait, malgré eux, quelque chose de surnaturel, de presque effrayant. Le cortège défilait manifestement en direction du récital.

Les questions s'accumulent, les réponses s'éloignent...

Cyclope s'invita spontanément dans ce pèlerinage et se joignit à la foule. Au vue de la désinvolture avec laquelle il rejoint le rassemblement, j'avais la désagréable sensation qu'il en savait bien plus que moi.

Après tout... Qu'est-ce que j'ai à perdre ?

Imitant mon acolyte, je me fondis dans la masse.

Guidé par le collectif, je fis mon possible pour ne pas me faire remarquer. Comme un essaim d'abeille charmé par le chant des fleurs, nos pas nous menèrent en direction du flutiste.

Nous arrivâmes dans une salle titanesque qui différait en tout point de l'architecture du reste du dôme. Les étroits couloirs que nous venions d'arpenter, présentait dans leur qualité de finitions, leur matière et leur esthétique un message d'humilité, de simplicité et d'efficacité. Ici, tout n'était que grandiloquence, gigantisme et apparat. La pièce était entourée par d'épais murs d'obsidiennes, elle regorgeait de plantes décoratives exubérante, de palmiers et de fleurs. Elle était éclairée par d'énormes chandeliers de projecteurs qui baignait la salle d'une lumière surnaturelle. L'ensemble donnait à la pièce des teintes vertes et noires là où jusqu'alors nous n'avions croisé que le marron du bois et le blanc du papier.

Cyclope m'attira subitement hors de la foule, laissant le cortège à ses affaires cérémonielles. Je me demandais ce que nous faisions là, pourquoi les suivre si c'était pour au final pour s'écarter d'eux. Mon compère tocard avait l'air catégorique, d'un regard je compris que si nous devions assister à ce spectacle, ce serait en tant que spectateur.

Surplombant de sa hauteur la salle, une plateforme au centre de la pièce accueillait Laurifer munit d'un singulier instrument. Il brandissait ce qui devait s'apparenter à une longue flute à bec qui elle-même était fixée à une énorme caisse de résonance.

En ces lieux où le silence était la norme, la musique prenait une dimension féerique.

Absorbé par la tâche, la concentration lui donnait des airs de grandioses. En totale symbiose avec son instrument, il ne prêta nullement attention à la foule qui s'asseyait autour de la tribune. Ce n'est qu'à la fin de sa sérénade qu'il baissa les yeux vers son public.

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