Chapitre 18 : Joute télépathique

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Les paupières closes, je refusais toujours de voir la menace, m'abritant derrière ma couardise afin de rassembler un faux sentiment de sérénité.

 La fatalité trancha ma lâcheté de son inexorable couperet.

 Je sentis un contact vibrant au sein de ma main gauche. Simultanément à ce toucher, mon esprit s'éveilla vers des profondeurs inconnues, me délestant immédiatement de cette fatigue accablante qui entravait mon psychisme. Mon corps fut parcouru d'une énergie nouvelle, sillonnant ma colonne vertébrale jusqu'à gagner le siège de de ma conscience. Accablé par cette surcharge de vigueur, je rouvris les yeux pour foudroyer l'infirmier d'un regard inquisiteur. Sans même que mes lèvres ne s'entrouvrent, ma voix emplit la salle d'un écho vengeur.

-Qui se présente à moi ? Quelle menace perturbe mon équilibre ?

Toute mon attention était portée sur cet être aux cheveux bruns, un gringalet guère impressionnant. Il ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'année. 

Sa silhouette gracile ponctuée par de nombreuses taches de rousseur reflétait encore une forme d'innocence juvénile. Là où je m'attardais de plus en plus à détailler les signes de souffrances dans les traits d'autrui, lui n'était pas marqué par le sceau de la douleur. 

Ce simple détail suffit à me désarçonner.

Imperméable à mon impétueuse colère, il se tenait devant moi avec une légèreté défiant mon aigreur.

-Loin de moi l'idée de troubler votre cœur, je n'ai fait que vous remettre d'aplomb. Puisque vous m'y invitez, permettez-moi de me présenter, je suis Solator, votre sauveur.

La frivolité avec laquelle il abordait ma rage, associé au caractère rassurant de son discours métamorphosa ma colère en curiosité. Mon ire ainsi calmée, je repris le contrôle de mon esprit et m'ouvrit aux perceptions verrouillées par mes états d'âme.

Une demi seconde de recul me permit d'analyser l'anormalité de cet échange. Son discours comme le mien ne souffrait d'aucune imperfection. Aucune hésitation, aucun parasite ne venait entraver notre communication. Tout comme moi, il venait de formuler son propos sans utiliser de paroles, or je l'avais parfaitement compris.

Des paroles sans son que je distinguais avec autant de clarté que si elles avaient directement adressé à ma conscience.

Cela a l'air de vous surprendre, cela dit, pas autant que je ne l'aurais cru.

Cette réponse me fournissait toutes les explications dont j'avais besoin. Je pris immédiatement la mesure de notre situation. Détachant mon attention de Solator, j'attardais davantage sur mon environnement. Des contours de la pièce, des différents objets qui la composaient et même de Cyclope, je ne distinguais plus qu'un brouillard hétéroclite de couleurs diffuses. Le seul élément que je pouvais identifier avec une netteté parfaite, était celui qui prétendait m'avoir secouru.

Prétendait ? Savez-vous ce que nous sommes en train de faire ? Si c'est le cas, vous savez que je ne peux pas mentir.

Je perçu son indignation avec autant de facilité que lui-même déchiffrait ma psyché.

Aussi pratique soit cette technologie, le transfert de pensée demeurait particulièrement invasif à mes yeux. Je me sentais dans une position assez désagréable ou je n'avais aucun autre choix que d'être à nu, face à lui. La seule chose qui me soulageait était la réciprocité du procédé.

C'est sûr... pour une personne qui n'y est pas habituée, ce doit être déboussolant.

En guise de réponse, je mobilisai mon esprit pour penser à mon échange similaire avec Insitivus. Ce n'était pas seulement pour lui montrer ma relative expérience dans le domaine.

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