Prologue

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Un mouvement dans les fourrés brisa le silence de la forêt, un petit renard à la fourrure marron se déplaçait doucement. Sa truffe noire reniflant le sol. Tout était sombre, car la nuit se faisait déjà vieille, mais aucune étoile n'arrivait jusqu'à lui. Les arbres étaient bien trop feuillus pour laisser passer leurs lumières.

L'animal se redressa brusquement, tous ses sens en alerte. Il n'y avait pas de bruit, pourtant son instinct lui dictait de se méfier. Quelque chose approchait.

En effet, une ombre apparut tout près. Les branches se mirent à bruisser dans un vent soudain. Le renard recula doucement pour se cacher sous une grande fougère alors que la forme se précisait.

C'était un homme, ou du moins, y ressemblait-il. Imposant, ses yeux d'un bleu presque blanc, contrastant avec sa peau sombre, intimidèrent l'animal. Il ressentait un profond respect pour cet être qu'il n'avait encore jamais vu.

L'homme regarda le ciel entre les branches et crispa la mâchoire avant de prendre la parole pour lui-même :

— Je suis en retard. Isdril va me tuer.

Au nom de cette dernière, la petite créature frissonna, faisant frémir les fougères. L'homme darda immédiatement son regard vers la source du bruit. En un instant, il fut accroupi devant le renard terrifié.

— Aurais-tu vu passer une jeune femme par ici ? demanda-t-il en souriant.

L'autre, un peu rassuré, lui fit signe que non.

— Je dois être sacrément en retard alors, ajouta donc l'inconnu.

Puis, il disparut de nouveau, laissant l'animal dans l'incompréhension.

Or l'homme n'avait pas vraiment disparu, il se déplaçait seulement si vite qu'il était impossible de le voir s'il n'était pas immobile. Cela n'aurait rien eu d'étonnant si le renard avait su à qui il avait affaire. Nashabo était son nom. Associé à Isdril, ils étaient les créateurs de ce monde et de bien d'autres encore.

Et il était en retard.

Plus il approchait du lieu de rendez-vous, plus la forêt se faisait dense, l'obligeant à se contorsionner pour passer entre les branches. Un désagrément qu'Isdril n'avait surement pas dû endurer grâce à leur différence de carrure.

Il finissait par arriver à l'entrée d'une grotte. Creusé dans une roche noire, l'intérieur ne semblait pas éclairé, pourtant Nashabo sentait qu'elle l'attendait.

Il inspira un grand coup, pour peu qu'il ait réellement besoin d'oxygène et entra.

L'air chaud autour de lui paraissait vouloir l'empêcher d'avancer. Était-ce Isdril qui souhaitait se venger de son retard ? À moins qu'elle ait simplement fait ça pour empêcher les animaux d'entrer. Il marcha ainsi dans le noir quelques instants avant de déboucher dans une immense caverne. Ses pieds nus clapotèrent sur le sol humide. Elle était là, assise près du bassin principal.

Ses yeux violets tournés vers l'eau, elle ne semblait pas l'avoir remarqué. Pourtant, lorsqu'il s'approcha, elle lui dit avec calme, sans se tourner vers lui :

— Tu es en retard, Nashabo.

C'était ça le plus terrifiant chez elle, son calme inébranlable.

Il s'excusa, retenant son fort caractère, car la dernière fois qu'ils s'étaient disputés, plusieurs mondes avaient disparu.

L'homme s'assit en face de la femme, seul le bassin les séparait. D'un peu plus de deux mètres de diamètre, il reflétait leurs silhouettes diamétralement opposées. L'une grande et forte, l'autre petite et fine. Isdril leva enfin le regard vers lui, ses yeux violets plongeant dans ceux bleu clair de Nashabo. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus.

Pourtant, aucune expression ne se voyait dans le regard de la femme. Elle avait toujours été ainsi, incapable de montrer quoi que ce soit. C'était donc lui, qui avait transmis les émotions aux humains et aux elfes.

— Combien de temps ça fait ? demanda-t-elle.

Sa voix résonna plusieurs fois sur la roche avant que l'autre ne réponde :

— Un siècle ? Plus ? Moins ? Je n'en sais rien.

Certes, c'était peu comparé à la durée infinie de leurs vies, pourtant, ils s'étaient manqués.

Sans un mot de plus, elle tendit les bras au-dessus de l'eau. Il l'imita.

Le bassin se mit alors à trembler sous la pression de leur pouvoir. Un vent venu de nulle part balaya les longs cheveux bruns de Nashabo et ceux plus courts et presque blancs d'Isdril. Leurs yeux s'illuminèrent en même temps que les milliers de cristaux incrustés dans la roche noire autour d'eux. L'eau se troubla et ils se mirent à chanter.

Leurs voix résonnèrent dans la caverne, créant des centaines de voix. C'était comme si la pierre chantait avec eux.

Lorsque la dernière note retentit, un monde apparut dans le bassin. Cerclé par la mer au nord, à l'ouest et à l'est puis par une immense chaine de montagnes au sud, il était recouvert de forêt et de prés. Au milieu, comme une cicatrice se dessinait un désert aride. Si l'on regardait attentivement, on pouvait remarquer plusieurs villes et villages où vivaient des hommes ou des elfes. Dans le ciel et près des montagnes pouvaient se voir des dragons aux écailles colorées. Et évidemment, de nombreux animaux se baladaient un peu partout. Libres.

Ce monde, les deux créateurs le reconnaissaient immédiatement. Ils l'avaient beaucoup chéri avant de décider de le laisser à leurs enfants.

Et voilà qu'une prophétie le concernant aller être énoncée.

Quatre pierres précieuses, brillantes comme des étoiles, se détachèrent de la roche sombre pour plonger dans l'eau. Elles poursuivirent leur route dans le ciel de ce monde. Les êtres vivants n'y virent que de simples étoiles filantes, pourtant elles annonçaient la venue d'heures sombres.

Le bassin finit par ne plus refléter que les deux créateurs alors que les lumières autour d'eux s'éteignaient une à une.

En dehors de la grotte, tout était toujours aussi calme. 

Sharaka - Tome 1 : ZaléniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant