Épisode 2 ~ Quand je marche... #3

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Une sans-abri. Et pas une Unificatrice déguisée, mais une vraie, vu l'odeur. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle n'était pas envoyée par l'AUFP pour repérer les rebelles.

« Qu'est-ce que tu veux ? grogna-t-elle dans l'oreille crasseuse de la petite.

— Ri... Rien... » grelotta celle-ci.

Soupçonneuse, Fatima fouilla les poches du manteau sale de l'adolescente et y trouva un pistolet chargé.

« Ah ouais ? Et ça, c'est rien, aussi ? »

Brusquement, comme si on avait appuyé sur un bouton, la fille se débattit violemment. Mais une rude pression sur ses coudes la rappela à l'ordre. Fatima fouilla de nouveau, grimaçant de dégoût et trouva également un couteau. Elle confisqua le tout et envoya valser la fille contre le mur.

« Dégage, sac à puces ! ordonna la militaire. Et si je te revois traîner autour de nous, je te démembre ! »

La fille cracha dans sa direction et s'enfuit en courant. Fatima rangea les deux nouvelles armes dans son sac à dos.

« On doit partir ! lança-t-elle à son frère. Elle ne va pas tarder à se ramener, et avec du monde, cette fois.

— Comment tu savais qu'elle allait nous faire du mal ? murmura Mohammed en se mettant debout.

— Je ne savais pas. Mais on n'est jamais trop prudent. Et vu sa réaction quand j'ai sorti le flingue, elle ne comptait pas nous en faire cadeau. Allez, on bouge ! »

Ils avaient une mission, elle ne devait plus l'oublier ! La France était déchirée par la guerre civile, et leur camp ne devait pas perdre. À force de lutter, la Résistance viendrait à bout de cette tyrannie ! Fatima y croyait dur comme fer ! Si fort, qu'elle avait déserté l'armée au nom de cette conviction. Poussée par un tout nouveau courage, elle entraîna son frère à travers les obstacles des bâtiments en ruine. Elle regardait sans cesse derrière elle, de peur que les sans-abris ne les attaquent par surprise. Le silence l'angoissait.

Ils finirent enfin par atteindre la station de métro et une infime partie du poids qui reposait sur son cœur s'allégea. Ils passèrent sous le panneau orné du nom de l'arrêt ''Les Gobelins'' et du petit cercle rose indiquant la ligne sept. Cette ligne étant à l'abandon depuis le coup d'État, c'était le meilleur moyen d'atteindre Villejuif sans passer par la Place d'Italie, dont le centre commercial était très prisé par l'élite christo-nazie. Et même avec ce détour, ils allaient devoir se montrer extrêmement prudents ! Encore plus qu'ils ne l'avaient été. Et cette fois, elle ne devait plus relâcher sa vigilance. Elle souffla un grand coup pour se donner de l'assurance, puis ils s'engouffrèrent dans les escaliers. Le bruit de leurs pas résonnait dans le calme environnant. Fatima avait l'impression qu'on pouvait les entendre des kilomètres à la ronde. Elle sentit un filet de sueur brûlante perler dans son dos. Oublié, le froid. Il ne restait que l'angoisse. Car le plus dur était encore devant.

*

La bouche sans lèvres de Juda s'étira en un léger rictus qui, avec un peu d'imagination, pouvait passer pour un sourire. Assis à son bureau, le menton sereinement posé sur ses mains jointes, il contemplait la fratrie Bendjama pénétrer la bouche de métro. Fatima Bendjama : source de tant de malheurs à seulement vingt-cinq ans. C'est ce qui arrivait quand on consentait à laisser ces animaux suivre une formation militaire de qualité. Non que la discipline ne leur fut pas nécessaire, bien au contraire ! Mais leur dispenser le même enseignement qu'à l'élite de la jeune génération française, quelle folie !

Tant de petits Christo-Nazis devenus orphelins à cause de cette femme ! Il fronça les sourcils à cette pensée et le semblant de sourire qui ornait son visage disparut. Lui, le Nouveau Père de la Patrie, avait naturellement pris ces chérubins sous son aile. Et cela va sans dire, il châtierait comme de juste cette diablesse sans foi ni loi.

*

Merry Christmas, MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant