Merry Christmas, Mary

Épisode 4 : ... De l'ombre de la mort... #1

Isaïa n'avait pas peur du noir. Mais comme tout le monde, elle n'était pas sereine en se promenant dehors pendant la nuit. Elle ne l'était déjà pas avant le coup d'État, ça ne s'était pas arrangé depuis qu'elle avait été déclarée hors-la-loi à cause de sa religion. Une religion qu'elle n'observait que parce que ses parents le faisaient. Isaïa n'avait jamais vraiment eu la foi. Ou plutôt, elle n'avait jamais pris le temps d'y réfléchir. Durant toute sa vie, elle avait suivi ses parents à la synagogue, avait appris l'hébreux, avait étudié la Torah, avait participé à toutes les célébrations, plus par tradition que par conviction.

Elle venait tout juste de fêter son quinzième anniversaire quand ses parents avaient été tués lors de ce qu'on appelait depuis la Seconde Saint-Barthélemy. La première vague de victimes des Christos-Nazis : des civils et des enfants tués gratuitement à cause de leur religion ou de leurs opinions politiques. Isaïa n'avait survécu que parce que ses parents avaient joué les appâts pour éloigner les Unificateurs de leur maison et de leur fille. Et ils avaient laissé derrière eux une adolescente seule, pourchassée à cause d'une religion qu'elle connaissait bien mais comprenait peu.

Isaïa avait envie de croire que Dieu existait. Elle avait envie de croire que si ses parents étaient morts car ils ne voulaient pas Le renier, c'était qu'il y avait une raison. Mais alors pourquoi laisser mourir deux personnes qui Lui avaient été si fidèles devant l'adversité ? Ses parents avaient été comme les trois amis du prophète Daniel, qui n'avaient pas voulu se prosterner devant la statue du roi Nebucadnesar et qui avaient été jetés dans la fournaise ardente. Mais alors que dans l'histoire, les hébreux avaient été protégés par un ange, personne n'avait sauvé Caleb et Emma de l'explosion qui avait fait d'Isaïa une orpheline.

Les yeux de la jeune fille se remplirent de larmes et l'aveuglèrent. Elle trébucha sur le sol rocailleux et allait tomber quand Elihu la rattrapa par le bras. Il marchait si silencieusement derrière elle qu'elle l'avait oublié.

« Merci... » marmonna-t-elle en dégageant doucement son bras de sa poigne.

Elle s'était forcée à ne pas réagir brusquement, à ne pas retirer violemment son bras. Elle ne voulait pas le vexer, mais ce cousin germain, la mettait extrêmement mal à l'aise. Il était plus vieux qu'elle et n'avait été qu'un inconnu encore treize mois plus tôt, certes ; mais si au moins il parlait un peu, ça se passerait beaucoup mieux ! Mais Elihu semblait avoir fait du silence un principe de vie. Il ouvrait la bouche le moins possible, et fixait constamment son entourage.

C'était ce qui avait attisé la méfiance de Paul...