Chapitre 3

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Plusieurs minutes ensuite nous arrivâmes au parc. Enfin, ce qu'il en restait. Nous sortîmes rapidement du taxi en remerciant le chauffeur. Baptiste m'attrapa le bras avec excitation. Il n'y avait presque personne devant nous. C'est pour cela que nous avions toujours chéri cet endroit. On adorait le silence des lieux, et son atypisme.

- Installons-nous là, dis-je en désignant un coin vide au fond.

Nous nous adossâmes nonchalamment contre les murs en bétons. Devant moi, un océan de verdure fantaisiste s'étendait sur près de cent mètres. Du moins, c'est ce que les artistes parisiens avaient tenté de représenter. Une multitude de décors naturels et sauvages avaient été peints au fil des années. Sur le mur de gauche, je voyais le dessin d'une meute de loups pourchassant deux biches dans une contrée lointaine. A mes pieds, des coraux couleurs saumon sur un océan turquoise illustraient les anciens fonds marins du siècle dernier. Je ne pouvais qu'essayer de les imaginer. Il ne restait qu'une infime quantité d'animaux sauvages cachée aux quatre coins de la planète. Les écosystèmes marins, quant à eux, n'avaient pu survivre face à la cupidité humaine. La plupart s'étaient éteints avec les derniers essais nucléaires des années cinquante, et les catastrophes climatiques. Nous avions pourtant été prévenus.

La crasse de l'extérieur se collait à mon visage fin. Ces longs mois d'hiver interminables me valaient d'avoir la peau rougie par le froid et les dents tremblantes. J'observais les familles affamées et sans domicile autour de moi. Le costume Armani faisait tâche ici. Je lançais un regard gêné à Baptiste. Il comprit le message.

- Si je leur donne, les autres voudront mon pantalon, puis mes chaussures, s'indigna-t-il. Tu veux que je finisse nu ?

Je lui accordais un point. De toute façon, un geste de ce type n'allait pas changer la misère du monde. J'avais envie d'oublier cette journée.

- Tu sais ce qu'il me plairait ? demandais-je alors à Baptiste avec un sourire en coin.

- Quoi ?

- Et bien ... Tu sais bien, dis-je malicieusement.

Baptiste me regarda avec incompréhension. Soudain, je vis une lumière traverser ses yeux azurs.

- Oh ! Non Emma ... Non, non !

- Allez, s'il te plait, implorais-je. Juste ce soir.

- Tes parents vont nous voir.

- Bien sûr que non. Tu as peur ? me moquais-je en riant.

- Jamais. Tu sais que j'adore ça tout autant que toi, répliqua-t-il.

Je sentais l'angoisse grandir en lui. J'imaginais déjà la scène. Il me tardait d'y être.

Nous restâmes encore quelques minutes dans ce décor féérique. Je ne me lassais pas de cet endroit. Comme lorsque que j'étais avec Baptiste, ces peintures me donnaient l'impression de me couper du monde. J'espérais que la réalité me laisserait tranquille encore un instant.

Puis, nous décidâmes de rentrer chez moi, avant que mes parents ne rentrent de la cérémonie. Le soleil commençait à entamer sa descente presque invisible à travers l'épais manteau de pollution que l'on appelait faussement « ciel ». La température chutait de minute en minute.

Un nouveau trajet à travers la ville suffocante et nous arrivâmes au 16ème arrondissement de la capitale. Les immeubles étaient différents ici. Mais l'expression sur le visage des passants reflétait le même désespoir qu'observé dans le centre. Bien que celui-ci tentait d'être dissimulé derrière de beaux bijoux et des montres hors de prix. Autrefois, cet arrondissement regroupait les belles demeures de la société privilégiée. Celles-ci s'étaient transformées en d'immenses blocs de bétons et d'acier s'élevant dans les airs à en avoir le vertige. Malgré tout, cela restait les beaux quartiers de Paris.

Nous nous dirigeâmes vers un des immeubles devant nous, celui avec le toit vert et les fenêtres en losanges. J'appuyais sur le bouton de sécurité pour entrer tout en tapant un code à dix chiffres. Quelques minutes ensuite, nous nous élevions dans les airs afin d'atteindre le 72ème étage. Heureusement qu'il y avait un ascenseur.

Puis, je tournais rapidement les clés dans la serrure de notre porte d'entrée qui était aussi blindée que celle d'une prison. Les habitants se méfiaient toujours des révoltes qui éclataient régulièrement dans la capitale. La classe sociale aisée était souvent la cible du reste de la population. Je ne pouvais pas les blâmer. C'était simplement l'œuvre d'âmes désespérées. Nous entrâmes. Un silence de mort nous accueilli.

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