Chapitre 10

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J'entendis la voix de Baptiste au loin qui appelait avec précipitation son chauffeur privé. Elle tremblait. Je sentais qu'il se retenait de craquer. Je fermai les yeux quelques secondes pour reprendre mes esprits.

- Il va arriver, m'informa-t-il ensuite en revenant vers moi, passant une main douce sur ma nuque.

J'étirai difficilement un sourire pour le rassurer.

- Ça va aller, dis-je en regardant le visage triste de mon ami.

Son regard s'illumina légèrement tandis qu'il me prenait dans ses bras. J'entendais encore les cris de la foule en alerte autour de nous. Les élèves commençaient peu à peu à disparaitre par-delà le portail de l'établissement.

- On devrait appeler nos parents, dit Baptiste quelques secondes ensuite.

J'acquiesçais avec raison et sortis mon portable de mon uniforme noir et vert. Ma mère devait être au Palais de Justice au centre de la capitale. Je tentai de la joindre en priant pour que le cœur de la ville n'ait pas subi les mêmes dégâts que nous, ou pire. Ma respiration s'accéléra tandis que je passais une main à l'arrière de mon crâne avec douleur. La sonnerie retentissait dans le vide.

- Bonjour. Vous êtes bien sur le portable de Monica Etten. Je ne suis pas joignable pour le moment. Laissez-moi un message après le bip sonore.

Je raccrochais avec angoisse. Ma mère avait toujours son téléphone sur elle, et d'aussi loin que je puisse m'en souvenir, elle avait toujours été joignable.

Je chassais les mauvaises idées qui traversaient mon esprit. Je tapais avec précipitation le numéro du fixe de notre appartement. Mon père n'avait jamais voulu acheter un portable depuis sa retraite anticipée. Les anciens coups de fil de l'armée passés en urgence au milieu de la nuit faisaient partis de ses nombreux cauchemars. Et des miens.

Je tombais une nouvelle fois sur le répondeur. Une inquiétude sans nom entama de m'envahir entièrement. Je respirai un bon coup en regardant le chaos autour de moi. Tout va bien, me dis-je. J'allais bientôt me réveiller de ce cauchemar.

Baptiste revint quelques minutes plus tard. Je venais de m'asseoir sur le sol salit par la poussière et les débris en vérifiant à chaque seconde mon téléphone. La moitié des élèves et des professeurs avaient déjà disparu tandis que le bal des ambulances commençait tout juste.

- Mon père et ses collègues se sont précipités dans la pièce de sécurité de leur immeuble. Ils n'ont rien. Mais apparemment ils l'ont aussi bien senti à la Défense. Ma mère est saine et sauve chez nous. Et toi, tout va bien ?

- Aucune nouvelle.

Je détestai mon père à ce moment là. Pourquoi ne pouvait-il pas simplement répondre au téléphone ? Il était forcément chez nous. Où pouvait-il être, sinon ?

- Je suis certain qu'ils n'ont rien, dit Baptiste en m'aidant à me relever après plusieurs secondes de silence.

- Rentrons chez nous, répondis-je en apercevant le chauffeur des Arnault près du portail d'entrée.

Nous sortîmes de l'enceinte du lycée en quelques minutes après que celui-ci eut signé le papier que lui tendait Monsieur Bardin. Des immeubles en ruines et les décombres de bâtiments détruits gisaient partout autour de nous. Nous accélérions le pas. Au-dessus de nos têtes, le ciel était plongé dans une grisaille de poussières. Malgré l'horreur qui me foudroyait, j'apercevais le visage des plus démunis nous observer d'un regard obscur.

Notre établissement était assez bien bâti pour supporter les catastrophes naturelles, contrairement à d'autres. Le service d'urgence nous dépassa à toute allure sur l'avenue, bientôt suivi par des dizaines d'ambulances. Il était temps de rentrer.

Le taxi nous attendait à l'angle de la rue. D'innombrables gravas étaient étendus sur une grande majorité des routes autour de nous. Je me demandais comment il avait réussi à se rapprocher jusqu'ici. Je vis le chauffeur regarder les alentours avec suspicion.

- Dépêchons-nous, dit-il de sa voix grave en pressant le pas. Ce n'est pas un endroit sûr ici.

Nous longeâmes encore quelques minutes l'avenue principale avant de nous faufiler à l'intérieur du taxi avec soulagement. L'odeur familière de l'habitacle arriva légèrement à m'apaiser.

- Comment ça ? demanda le garçon à ma droite.

- Des émeutes ont commencé à éclater au centre. On dirait bien que ce séisme va faire plus de dégâts que prévu.

Un frisson traversa mon corps. Le Palais de Justice se situait dans cette zone. Je priai pour que ma mère ne se soit pas retrouvée au milieu d'une révolte sans précédent. Ma respiration s'accéléra une nouvelle fois.

J'eus l'impression que le trajet avait duré des heures. Le taxi empruntait des chemins étroits et solitaires pour contourner les grandes avenues bloquées par le désastre. Un silence d'angoisse pesait dans l'habitacle tandis que j'observais les yeux de Baptiste contempler les alentours d'une peur inavouée.

Quelques minutes plus tard, le véhicule se garait devant chez moi. J'observais l'immeuble par derrière les vitres teintées avec inquiétude.

- On se rejoint plus tard ? me dit Baptiste accompagné d'un sourire qui se voulait rassurant.

- D'accord, répondis-je.

- Tu m'appelles s'il y a un problème. Je viendrai te chercher.

- On fait comme ça, acquiesçais-je avant d'ouvrir la portière et de sortir du véhicule.

Le taxi disparu. Les immeubles ici ne semblaient pas avoir subi d'importants dégâts. J'observais quelques ardoises brisées au sol et des poubelles renversées, mais rien d'inquiétant. J'avançais d'un pas décidé vers mon appartement. Quelques secondes ensuite, j'empruntai l'ascenseur et me retrouvai devant ma porte d'entrée. 

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